« Le pianiste »… »La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée » disait ce cher Platon.
« Szpilman… Beau nom pour un pianiste. »
Film à la liste de récompenses longue comme le bras (Palme d’or, 7 Césars, 3 Oscars …), Le Pianiste fut réalisé par Roman Polanski en 2002. Ce n’est en aucun cas une œuvre sortie de l’imagination du réalisateur mais un film adapté du roman autobiographique du même nom par Wladyslaw Szpilman. C’est non seulement l’histoire d’un homme mais aussi le récit d’un pan à vif de l’histoire : le ghetto de Varsovie et la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le film retrace donc l’histoire de Wladyslaw Szpilman, pianiste polonais de renom, de sa famille, ainsi que celle des juifs varsoviens. Les Szpilman ont un train de vie confortable jusqu’à l’annexion de la Pologne le premier septembre 1939 : les nazis réduisent les droits des Juifs en leur interdisant progressivement la plupart des lieux publics jusqu’à les murer dans un ghetto, les coupant complètement du reste de la ville. Les conditions de vie y sont misérables, tandis que des personnes sont humiliées et assassinées au hasard, peu à peu des Juifs sont déportés vers les camps : la famille de Wladyslaw n’y échappe pas. Seul, juif et fugitif, il doit se débrouiller pour survivre, frôlant la mort régulièrement.
Le Pianiste est l’un de ces films particulièrement difficiles à critiquer car il ne semble n’y avoir rien à juger, c’est pour cela que la présente critique ressemblera davantage à un éloge.
La première chose à savoir, c’est que ce film est bien plus qu’un film aux yeux de Roman Polanski car c’est en effet son œuvre la plus personnelle, elle retrace presque son enfance. Il est né en 1933 à Paris avant que sa famille ne retourne dans le pays d’origine de son père : la Pologne, en 1936. Il vit à Cracovie, ville qui n’échappe pas à l’invasion des nazis en septembre 1939 et à la création du ghetto dans lequel il sera lui aussi parqué. La suite de son parcours est très semblable à celui de Wladyslaw Szpilman : toute sa famille mis à part lui est déportée, il devient donc un fugitif qui se réfugie dans une ferme puis revient à Cracovie, essayant de se cacher aux yeux des nazis, il est bien sûr aidé et survit de cette manière jusqu’à la fin de la guerre. Le destin du réalisateur est donc très proche de celui du protagoniste de son film et cela montre qu’il y a une certaine émotion derrière les caméras.
C’est donc un film intimiste dont Roman Polanski avait certainement besoin mais il est aussi nécessaire pour révéler au grand jour les prémices de l’un des épisodes les plus atroces du XXème siècle qui est la Shoah. Pour cela, pas besoin de ménager le spectateur, il faut des images fortes, il faut…la réalité ! Et, des images fortes, Le Pianiste en regorge : le déclin progressif de la population juive de Varsovie, son isolement complet, les visites impromptues des nazis dans leur foyer pour les persécuter et très souvent les tuer, la misère, la faim, les déportations, l’injustice flagrante, les gens perdus, esseulés, abattus, dans l’incompréhension totale, écrasé par la masse nazie…Tout est parfaitement retranscrit, si bien que l’on peut même réussir à se mettre à la place de ces gens pour tenter de savoir ce qu’à été leur supplice, mais évidemment c’est tout juste imaginable.
L’autre grand point positif, c’est le jeu d’acteur d’Adrien Brody, dans la peau de Wladyslaw Spzilman, qui est tout à fait bouleversant ! L’acteur semble vraiment vivre son rôle et ressentir les émotions de son personnage, ce qui ajoute à la tragédie. Il faut savoir qu’il a perdu à peu près 14 kilos durant le tournage en s’imposant un régime draconien pour y parvenir et en se débarrassant de son appartement, laissant de côté sa relation amoureuse ou encore en ne regardant plus la télévision pour expérimenter la solitude. Le résultat troublant (qui lui a d’ailleurs valu un Oscar) nous amène à penser que le personnage semble plus proche de l’animal que de l’homme aussi bien physiquement que dans les attitudes, à force de fuir et de se cacher il développe de nouveaux aspects. En effet, il devient sauvage et craintif, à l’affût de chaque son comme une bête peu farouche, aux aguets de la moindre chose pouvant s’avérer comestible au point de se trimbaler partout avec une boîte de conserve qu’il ne pas peut ouvrir , comme si sa vie en dépendait (ce qui est d’ailleurs un peu le cas, je vous l’accorde). Je vous laisse juger sa transformation incroyable :
C’est donc un film d’une grande richesse que nous offre Roman Polanski. Le Pianiste nous livre un récit et un témoignage puissant, c’est un film prodigieux et émouvant parce qu’il est personnel et parce qu’il nous fait comprendre ce que fut le destin des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il nous ouvre les portes de ce qui fut un enfer sur terre, sans plonger dans le manichéisme. C’est un film totalement ancré dans le devoir de mémoire, il est donc incontournable !