Ecarter l’orgueil pour déjouer les préjugés
C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l’on sache de son sentiment a cet égard, lorsqu’il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l’une ou l’autre de ses filles…
Quiconque s’intéresse un peu à la culture anglo-saxonne, et surtout à la littérature, connaît Jane Austen et ses fameux ouvrages dont Orgueil et Préjugés. Une histoire qui a fait rêver tant de jeunes femmes (dont moi) depuis le XIXème siècle pour son histoire d’amour, même si ce roman va bien plus loin que le romantisme. Ce qui nous importe ici, c’est l’adaptation cinématographique de Joe Wright sortie en 2005.
Orgueil et Préjugés (titre relativement rébarbatif, je vous l’accorde) c’est l’histoire d’une famille, les Bennet, issue de la petite bourgeoisie Anglaise. Comme tous les parents à cette époque, Mr et Mrs Bennet cherchent à tout prix à caser leur cinq filles dans le beau monde, histoire qu’elles ne finissent pas à la rue à la mort du père (Aaaah, phallocratie quand tu nous tiens). Bref, l’occasion se présente à l’arrivée d’un riche jeune homme, Mr Bingley, qui emménage dans le voisinage avec son meilleur ami et sa sœur, à la bonne heure : deux hommes célibataires ! Durant ce film nous suivons donc les amours de plusieurs filles Bennet qui doivent faire face aux préjugés, au rang social et à l’emprise de la famille. C’est donc non seulement une oeuvre romantique mais aussi une critique piquante de la société Anglaise au XIXème.
Ce film possède une distribution deluxe : Donald Sutherland (Hunger Games), Keira Knightley (Pirates des Caraïbes), Carey Mulligan (Gatsby), Matthew McFayden (Robin des Bois), Rosamund Pike (Gone Girl) et j’en passe. En dépit de certains éléments sur lesquels je reviendrai plus tard, le film est fidèle au roman de Jane Austen mais cela n’a pas empêché le réalisateur de prendre quelques libertés et on peut lui dire merci ! Orgueil et préjugés présente un style qui lui est propre tant dans la mise en scène que dans les choix de Joe Wright :
- Des prises de vue larges, parfois saccadées et brutes qui sont osées mais qui donnent un résultat plutôt pas mal.
- Des endroits qui ne sont pas toujours cohérents avec les événements mais qui sont en réalité bourrés de symboliques. Il y a également le choix de lieu du patrimoine touristique et historique d’Angleterre : Burghley House (3ème image) ou le jardin de Stourhead (2ème image), par exemple. En terme de décors j’ajouterais également qu’une seule et unique scène a été tournée en studio.
- Les dialogues et les relations entre les personnages sont plus « actuels » ( un langage moins soutenu, des attitudes quelque peu délestées de la courtoisie du XIXè) sans pour autant dédaigner les dialogues du roman : les conversations entre Darcy et Elisabeth sont parfois identiques. Ainsi, cela en fait un film accessible à tous, même
à la racailleaux jeunes d’aujourd’hui.
Voilà donc pour ce qui est des spécificités du film, qui sont tout de même de bons points. Toutes les personnes ayant lu le livre ont dû être prêts à montrer les crocs au cas où l’adaptation porterait insulte au chef-d’oeuvre de Jane Austen. Non, non et non, c’est tout le contraire puisqu’il a conquis un large public : de simples cinéphiles comme les amateurs de littérature anglaise. Et, qu’on le veuille ou non, cette histoire figure dans les plus belles histoires d’amour du cinéma et de la littérature. Une histoire d’amour pure et poétique où les mots sont ici biens plus puissants et remplacent merveilleusement bien des scènes érotiques. Certains seront peut-être contents d’apprendre que ce film ne mériterait aucunement de se nommer 50 nuances de Darcy [Ceci est de l’ironie].
Même s’il manque certains éléments typiques du style Austinien, le film propose une peinture réaliste de la société de cette époque : l’importance des relations sociales à travers les nombreux bals et dîners, les mariages de convenance dus à l’importance de l’argent , les inégalités entre les classes sociales : Miss Bingley ne cache jamais son aversion pour les personnes inférieures à son niveau de vie, par exemple, et se moque bien ouvertement de leurs manières. Bien entendu, le timing du film a imposé que les sentiments amoureux progressent beaucoup plus vite et de façon moins complexe que dans le livre, de toute façon on préfère les voir s’aimer que se mépriser.
Tout les détails du film sont savamment choisis, associés avec soins et de façon métaphorique.
Prenons un exemple qui est la scène du bal donné à Netherfield par le nouveau venu, Mr Bingley : lorsque Elisabeth et Darcy dansent tous les deux et qu’ils semblent se rapprocher quelque peu, plus la danse avance et moins l’on voit les autres protagonistes pour qu’ils finissent par disparaître complètement et les laisser seuls dans le cadre. Si ce n’est pas magique, ça !
Quant à la fin, elle laisse une désagréable envie…d’en savoir plus ! Il existe, d’ailleurs, une fin alternative qui même si elle est très jolie, ne nous rassasie pas plus. Il n’y a donc personne qui a retrouvé les manuscrits d’un Orgueil et Préjugés 2 ?! Non, au lieu de ça on préfère réadapter l’histoire en y ajoutant des zombies, non mais vraiment !
Enfin, pour conclure, Orgueil et Préjugés, c’est un film beau dans tous les sens du terme : les décors, son histoire, l’amour, la façon dont il est tourné…Cela relève de la poésie. Et si le film vous a plu, le roman vous plaira davantage !