Critique de « Les Animaux Fantastiques » par E-Stark
« Nous risquons d’être démasqués, nous risquons une guerre. »
Carmen Ejogo – « Les Animaux Fantastiques » de David Yates (2016)
Dans une Amérique où les sorciers se cachent, le jeune « magizoologiste » Norbert Dragonneau va vite se retrouver au coeur d’une intrigue qui pourrait mettre en péril le monde de la magie tout entier. C’est dans ce climat que tient le postulat de ce spin-off d’Harry Potter, réalisé comme pour les quatre derniers volets de la saga par David Yates.
C’est donc à travers une histoire dans laquelle deux mondes cohabitent péniblement que prend place la nouvelle aventure de J.K. Rowling. D’un côté les hommes, citoyens du monde et de l’autre les mages, les sorciers qui se cachent et dont l’existence risquerait bien d’être révélée par un groupuscule aussi dangereux qu’illuminé. Il est assez intéressant de voir sous quel angle l’auteur choisit de parler de ses nouveaux personnages. Cette histoire sur la peur de l’autre et de l’inconnu n’a rien de neuf mais elle s’avère redoutablement efficace tant l’univers dans lequel elle se développe est crédible.
En effet on imagine sans peine cette Amérique des années vingt alors en pleine effervescence, ce New York où s’érigent grattes-ciel et buildings alors que dans l’ombre toute une autre vie se joue. Celle des sorciers, les êtres qui se cachent pour échapper à la réprimande et à l’incompréhension. On pense évidemment à la ségrégation à travers ce postulat et l’univers d’Harry Potter a par ailleurs toujours su traiter ce genre de thématiques avec finesse. Mais là où la fraîcheur se ressent c’est surtout dans le changement de cadre de l’action, les Etats-Unis et leur culture si particulière permettent d’explorer encore plus loin les thématiques sociales, ainsi les aventures de Norbert Dragonneau se muent petit à petit en un poignant message de tolérance. Un message évidemment mit à mal par un danger aussi énigmatique que puissant.
On apprend donc que Gellert Grindelwald, un personnage qui ne tenait jusqu’à présent que de l’évocation, sévit en Europe. On savait par exemple que Voldemort voulait qu’il lui livre la baguette de Sureau, ou bien encore qu’après son amitié et plus si affinité avec Dumbledore, il avait finalement sombré dans la magie noir, devenant l’un des plus puissants mages noirs. Les Animaux Fantastiques nous propose donc d’en apprendre encore plus sur ce personnage en le présentant comme principale menace, ou bien en tout cas comme l’instigateur des méfaits commis à New York par une force inconnue.
Mais les fameux animaux dans tout cela alors ? Ces derniers heureusement ne tiennent pas juste du prétexte, bien qu’ils aient pour vocation première d’amener Norbert à se rendre en Amérique. Néanmoins ces fameux animaux nous permettent d’en savoir plus sur la personnalité de ce nouveau héros. Dragonneau est un jeune homme visiblement mal à l’aise en société, contrairement à l’impression qu’il donne lorsqu’il s’occupe de ses pensionnaires à poils, plumes ou écailles. Si Eddie Redmayne parvient sans problème à camper le personnage, il a personnellement été ma plus grande surprise du film. Je n’ai pas une grande affection pour l’acteur dont je juge souvent les interprétations trop fades, l’acteur étant trop dans le cabotinage à base de grimaces et de mimiques pour combler un manque évident de charisme. Dans Les Animaux Fantastiques il se révèle complètement différent, ou tout du moins son jeu sied parfaitement au personnage et ce dernier ne manque pas d’intérêt. Certes moins attachant qu’Harry, mais néanmoins touchant.
Pour ce qui est du reste du casting il n’est pas mauvais, bien au contraire on retrouve certaines têtes d’affiche qui semblent particulièrement heureuses d’être là. Ainsi Colin Farrell campe un Auror charismatique et puissant avec une facilité déconcertante. Samantha Morton de son côté s’amuse à jouer la menaçante Mary Lou, mère maltraitante et militante de la haine envers les sorciers. Ezra Miller en revanche peine à composer avec un personnage aussi plat que redondant, c’est dommage. Quant à l’apparition de Johnny Depp elle est assez bien amenée bien qu’un peu prévisible.
Du côté des têtes moins connues on notera la prestation de Katherine Watherston qui sans être exceptionnelle ne manque pas de piquant. La jolie Alison Sudol en revanche est un vrai plus grâce à sa candeur et sa fraîcheur. On appréciera aussi la légèreté amenée par Dan Fogler dans le rôle du moldu un peu gauche mais attachant. N’oublions pas non plus Carmen Ejogo qui s’impose en présidente du Congrès Magique des Etats-Unis d’Amérique avec beaucoup de prestance.
La réalisation de David Yates est assez similaire à celle qu’il nous a proposé sur les quatre derniers volets de la saga Harry Potter, bien qu’il y mette ici un peu plus de pep’s. La mise en scène est incisive et très vivante, ce qui permet à l’action de demeurer lisible, un vrai gros plus. Certains effet-spéciaux sont parfois un peu cheaps par contre, mais les créatures magiques sont assez jolies, mention spéciale au Nifleur, une petite boule de poils voleuse comme une pie qui nous régale de ses frasques à chaque apparition. Néanmoins si les visuels sont parfois discutables, ils viennent servir à l’histoire et permettent d’approfondir un peu la magie dans le quotidien des sorciers (cuisine et pâtisserie, habillage … etc). James Newton Howard quant à lui signe une très jolie bande-originale qui apporte elle aussi un vent de fraîcheur à cette nouvelle franchise qui finalement se détache très bien d’Harry Potter sans pour autant que le lien entre les deux sagas soit trop mince.
Ainsi donc Les Animaux Fantastiques s’avère être un long-métrage bien moins opportuniste que l’on aurait pu le croire. Ce premier segment promet de belles choses pour la suite et c’est somme toute ce que l’on était en droit d’attendre de lui. Belle surprise !
Ma note : 8/10