Critique de Liz et l’Oiseau bleu de Naoko Yamada, par Anne-Laure
Mizore et Nozomi sont deux amies aux caractères fortement différents, l’une est extravertie et populaire, l’autre plus introvertie a tendance à rester plus en retrait par rapport à ses camarades. Toutes deux musiciennes, l’une joueuse de flûte traversière et l’autre de hautbois, elles sont membres de l’orchestre de l’école, en vue de gagner une compétition. Lorsque le groupe commence à travailler sur des morceaux de « Liz et l’oiseau bleu », les deux amies interprètent ce conte pour enfants comme étant leur propre histoire. C’est la fin du lycée, et avec elle le début d’une période de doutes concernant les choix d’avenir et l’au revoir à un passé.
Deuxième long-métrage de la réalisatrice Naoko Yamada (à qui l’on doit donc le très joli Silent Voice, sorti en 2018), Liz et l’Oiseau bleu est un film extrêmement doux et infiniment bienveillant. La simplicité apparente de son « intrigue » lui permet de développer au mieux les thèmes et problématiques propres à cette étrange période qui fait suite à l’école et qui caractérise le début d’une « nouvelle vie ».
Ce développement est constitué de différentes manières, plus ou moins explicites, mais toujours avec beaucoup de délicatesse. Le conte de « Liz & l’Oiseau bleu », premièrement, permet aux deux amies de s’identifier tour à tour aux personnages qu’il met en scène, mais donne également la possibilité aux spectateurs de mieux les comprendre. Cette « histoire dans l’histoire » permet aussi de démontrer que les caractères des deux amies sont loin d’être aussi stéréotypés qu’ils pourraient sembler l’être de prime abord. En montrant leurs doutes, notamment quant à l’identification des personnages, ce qui prime est en réalité la difficulté qu’éprouvent Mizore et Nozomi à comprendre ce que l’une et l’autre ressentent, et donc à le communiquer, et ce, quelles que soient les réactions qui sont attendues d’elles et les caractères qui soi-disant les définissent. Aussi, Naoko Yamada, tout en douceur, démontre l’importance du « regard des autres » en donnant à voir des personnalités en apparence totalement opposés, mais qui éprouvent les mêmes émotions et difficultés. Les clichés initiaux ne sont ainsi que mieux déconstruits et créent des individus aux multiples facettes. Deuxièmement, grâce à la musique, et à l’orchestre de l’école, le métrage poursuit cette thématique de différences qui forment un tout harmonieux. Ce n’est qu’en jouant simultanément et en se « suivant » que les morceaux se créent, grâce justement à leurs différences qui sont en réalité complémentaires. Cette idée est également déclinée dans les couleurs des chaussures des musiciennes, rouges, vertes, bleues, qui symbolisent autant de dissemblances que de points de rattachement.
C’est en cela que le film est extrêmement bienveillant : plutôt que de pointer les différences et de les transformer en difficultés, voire en conflit, il en fait des nécessités et les érige en de belles choses qui, au contraire, créent l’entente et la compréhension mutuelles.
Visuellement, deux types d’animations se complètent ; l’une pour l’histoire contée du livre Liz & l’Oiseau bleu, l’autre pour l’histoire « réelle » de Mizore et Nozomi. La première est plus douce et en apparence plus simple, car l’on distingue mieux les « traits », tandis que la seconde est somme toute plus classique. L’une et l’autre sont de très bonne facture, malgré quelques manques de précisions par moment.
Liz & l’Oiseau bleu offre donc une animation et une histoire véritablement belles, qui questionnent autant le regard et l’exigence que l’on a pour soi-même qu’envers les autres. Image d’une période charnière entre deux époques où l’on quitte un monde pour en découvrir un autre, le film développe ses thèmes en partant d’éléments simples et les décline, afin de pouvoir en déployer toute la complexité. Aussi, il démontre des oppositions pour mieux les démonter et en montrer les similitudes.