Critique de « Maléfique » par E-Stark
« Le Mal fait parti de ce monde, la haine et la vengeance. »
Angelina Jolie – « Maléfique » de Robert Stromberg (2014)
On ne se refait pas, je suis un fan des relectures de contes. J’adore les univers féeriques et l’heroic-fantasy, les studios Disney m’ont vendus du rêve toute mon enfance, et Angelina Jolie est celle qui demeure être pour moi l’actrice la plus sous-estimée de son temps et également celle qui dans mon coeur a la place la plus importante. Autant dire que j’attendais « Maléfique » avec une impatience démesurée, car tout dans ce film était réuni pour rendre heureux le cinéphile que je suis. L’attente aura été longue, et le résultat final me satisfait pleinement.
« Maléfique » est un conte qui en révise un autre, une histoire de bien et de mal dans un pays enchanté et enchanteur, c’est aussi et surtout le récit d’une femme, méchante légendaire, une fée bafouée qui réclame vengeance. C’est aussi l’histoire d’un esprit libre dont le coeur a été corrompu par la trahison, ce coeur saigne encore et bat dans la poitrine de l’un des personnages de contes parmi les plus intéressants qu’il m’a été donné de voir.
Angelina Jolie incarne ici une méchante emblématique, et elle tient aussi l’une de ses meilleures prestations. L’actrice caméléon parvient à donner de la prestance à ce rôle et une vraie personnalité également. Les actions du personnages ne sont pas seulement animées par un instinct démoniaque, bien au contraire il s’agit là d’une femme qui agit comme une humaine, avec des pouvoirs en plus. C’est à travers la noirceur de ce personnage que se révèle pourtant l’éclat de la relecture de cette histoire, une histoire à la gloire de la femme. Disney abandonne son schéma habituel de la princesse naïve qui tombe amoureuse du premier prince venu, non nous sommes ici dans une vision plus réaliste, dans un monde où le bien et le mal cohabitent et forment un équilibre.
Autant le dire tout de suite, la relecture que propose le film (et il est important de noter que le film ne fait que proposer une relecture, et ne se présente pas seulement comme un prequel à « La Belle au bois dormant ») ne plaira pas à tout le monde, tant elle est audacieuse. Pourtant force est de constater que Robert Stromberg croit en son film, qui s’avère d’ailleurs réalisé avec passion.
Il met en scène un film enchanteur à la gloire de la femme, mais aussi qui prend à contrepied tout ce que l’on peut d’habitude reprocher aux héroïnes Disney. Par ce que oui dans la vraie vie un baiser ne suffit pas à réveiller une belle endormie.
Le réalisateur accorde beaucoup d’importance à la caractérisation et à l’émotion de ses personnages. Ce qui apporte une vraie profondeur au film, et aussi de bons retournements de situation, qui même si au premier abord peuvent parfois sembler faciles, sont finalement toujours justifiés. Le film est donc pourvu d’une très bonne écriture. Là où se trouve également la force du métrage, c’est qu’il jongle habilement entre l’univers des contes de fées classiques, et cette approche moderne. Comme si l’émancipation de la femme venait balayer les morales instaurées dans les autres long-métrages du studio, et il est bon de voir à quel point chez Disney ils ont l’intelligence de vouloir casser un peu le mythe pour le réinventer.
Le studio vend toujours du rêve, mais le fait désormais plus sobrement et avec intelligence. L’univers visuel développé ici est à mi-chemin entre « Avatar » et « Le Monde de Narnia », et si le budget semble avoir été en grande parti injecté dans la conception des animations numériques et des décors, il n’en demeure pas moins que ces effets-spéciaux aussi beaux soient-ils, sont avant tout ici pour servir une histoire. C’est tellement rare de voir dans les blockbusters actuels une certaine mesure de la surenchère, hormis quelques récentes exceptions, que cela fait franchement du bien et s’avère très réjouissant. Tout est beau dans le film, de la photographie léchée, aux batailles impressionnantes, en passant par le foisonnement de détails dans les décors, il faut bien avouer que Disney a mit le paquet, et cela paye. Un bon retour après le très controversé « Alice au Pays des Merveilles ». La musique de James Newton-Howard vient également apporter beaucoup à cet univers, les grandes envolées lyriques, dont le compositeur a le secret, donne l’intensité et la note épique à cette version live de cette relecture du conte des frères Grimm. L’accord entre la forme et le fond du film, est très juste.
Côté casting, c’est relativement très bon. Angelina Jolie domine le film avec beaucoup de délicatesse et de nuance, comme je l’ai dit plus haut. Ce personnage est d’une infinie beauté.
Elle Fanning est dans un registre plus léger qu’à son habitude, le talent de l’actrice avait été révélé dans le très tendre « Somewhere » de Sofia Coppola, puis plus tard dans le génial « Super 8 » de J.J. Abrams. Ici elle joue Aurore, et elle la joue très bien, c’est tout ce qu’on lui demande. Sa candeur sied parfaitement au personnage. Les trois Bonnes Fées sont quant à elle proches de celles du film de « La Belle au bois dormant » de 1951, elles sont l’élément comique du film. Cela fonctionne plutôt bien, même si parfois quelques scènes sont assez lourdes, néanmoins il s’agit-là d’un élément essentiel pour les enfants, et dans le fond les scènes sont assez inoffensives. Sharlto Copley quant à lui incarne le Roi Stephan, l’acteur impose beaucoup et se révèle très juste, son charisme y est pour beaucoup. Sam Riley fait parti des second-rôles et s’avère lui aussi très juste, c’est finalement Brenton Thwaites qui s’avère être le moins bon dans cette galerie d’acteur. Le jeune homme n’a visiblement pas les épaules pour incarner le prince Philippe, mais heureusement le film n’est pas fait pour rendre hommage aux héros masculins.
Alors c’est sur ce très bon constat que je met fin ici à ma critique. Je n’en n’attendais pas tant de « Maléfique », j’ai été comblé et ma sincérité me pousse à en faire des éloges. C’est tellement agréable et surprenant de voir qu’une franchise comme Disney est capable de casser un peu son image pour servir quelque chose d’intelligent, que cela vaut bien une critique sans mauvais point, car si il est évident que « Maléfique » demeure être avant tout un bon blockbuster, il ne faut pas s’attendre à une vraie révolution. Mais je n’ai pas pour habitude de bouder mon plaisir, et le féminisme dans l’héroïc-fantasy et les films à gros budget est tellement rare, que je ne peux qu’en saluer l’effort. Indéniablement ma surprise de l’année !
Ma note: 8/10