Critique de « Quelques Minutes Après Minuit » par E-Stark
« Les humains sont des animaux compliqués, ils pensent que le mensonge est réconfortant. Mais en vérité le plus important ce n’est pas ce que tu pense Conor, c’est ce que tu fais. »
Liam Neeson, la voix du Monstre – « Quelques Minutes Après Minuit » de Juan Antonio Bayona (2016)
Avant de s’attaquer aux dinosaures de Jurassic World 2, Juan Antonio Bayona revient à ses premiers amours avec Quelques minutes après minuit, un conte humaniste, plus proche de l’Orphelinat ou de la série Penny Dreadful dont il avait réalisé les deux premiers épisodes.
A bien des égards Quelques minutes après minuit pourrait passer pour un film pour enfant : un gros monstre, un jeune garçon et des histoires, tous les ingrédients sont réunis. Mais très vite on se rend bien compte que le film s’oriente vers quelque chose de plus onirique et de plus dramatique surtout. Quelques minutes après minuit nous raconte l’histoire d’un jeune garçon qui doit faire face à l’état de santé fragile de sa mère et donc à son décès éventuel. Il se réfugie dans son monde à lui où toute les nuits un vieil arbre s’anime pour l’aider dans son épreuve.
Quelques minutes après minuit est un parcours initiatique, ni plus ni moins et il est vrai que le sujet a souvent été abordé au cinéma. Mais Bayona, comme animé par la grâce, confère à son métrage une émotion toute particulière. Conscient du public susceptible de s’intéresser au film, le scénario s’arque autour de thèmes compliqués mais importants, tel que l’injustice, l’acceptation de choses inévitables, l’appréhension, l’abandon et le deuil bien entendu. Tout cela est au coeur d’un récit qui malgré une féérie et une poésie sublime, vient rappeler au public que l’émerveillement n’est pas l’affaire simplement des rêves mais qu’il sert aussi à grandir. Un récit qui vient également rappeler que le réel est souvent cousu de fils blancs, qu’il est censé être réconfortant et qu’il est donc important de se découvrir soi-même, de faire face à la vérité. Une vie n’est jamais toute rose, elle est parfois empreinte de noirceur et le film en parle très bien sans pour autant être pessimiste, c’est important de le souligner.
« Cette histoire commence comme la plupart des histoires, avec un garçon trop vieux pour être un enfant, trop jeune pour être un homme. »
Fort d’un style visuel sombre et poétique, propre à Juan Antonio Bayona, le film même s’il possède de nombreuses références (on pense surtout à Spielberg avec E.T. ) trouve sa véritable identité. Comme dans L’Orphelinat, Bayona filme les cauchemars et le fantastique qu’il confronte avec une facilité déconcertante à l’implacabilité du réel. Mais curieusement le film est tout en nuances, si bien que même l’imaginaire est sombre et dur, Quelques minutes après minuit possède cette volonté indiscutable de raconter une fable sans être infantilisant. La première histoire que le Monstre raconte à Conor est assez parlante justement, en montrant la noirceur de certains personnages pour mieux rappeler aux plus jeunes que le manichéisme est parfois complètement faussé.
Outre tout cela, le film met aussi nos émotions à rude épreuve et il va sans dire que c’est sûrement cet aspect-là du métrage qui ne plaira pas à tout le monde. Néanmoins il y a une vraie pudeur quant aux réactions des personnages, les larmes ne sont pas factices, à l’image de celles que l’on verse en tant que spectateur. Il s’agit-là d’un magnifique film sur l’enfant qui par le cour des choses de la vie va devenir un adulte. Un parcours initiatique certes, mais dépourvu de banalités et c’est tant mieux. L’histoire du jeune Conor (formidablement interprété par Lewis MacDougall) touche par la démarche qu’elle engendre, et les émotions quant à elles servent à crédibiliser tout cet univers. Conor ne s’invente pas un monde parce qu’il est un jeune garçon fantasque et créatif mais bien parce qu’il souffre, ce qui confère à l’imaginaire du film une dimension particulièrement riche émotionnellement et forte en symboles.
Quelques minutes après minuit est à coup sûr l’un des films qui feront cette année 2017, qui par conséquent commence aussi très bien. Juan Antonio Bayona s’il s’en va peut-être au casse-pipe avec Jurassic World 2, nous aura au moins gratifié avant d’un film aussi beau et émouvant qu’il est fort et habile dans ce qu’il raconte. Une belle réussite !
Ma note : 9/10