Critique de « First Man » par Axel
Damien Chazelle, après le triomphe critique et public de « La La Land » en 2017 et de « Whiplash » en 2016, se lance dans une nouvelle aventure avec un film centré sur la vie de Neil Armstrong de son premier incident de vol en 1962 jusqu’à ses premiers pas sur la lune en juillet 1969. Il s’éloigne donc du monde musical qui lui a tant bien réussi ces deux dernières années pour nous dévoiler un biopic qui vu de loin pourrait sembler être des plus classiques, mais cette vision étriquée ne pourrait faire justice à ce film qui propose bien plus que cela.
Car il ne saurait sans compter l’ingéniosité visuelle et narratrice que Damien Chazelle arrive à insuffler dans ce film qui, dans les mains d’un autre réalisateur moins talentueux, aurait très rapidement pu devenir un autre biopic pompeux boursoufflé par le poids de l’histoire qu’il se doit de raconter. Ici il démontre avec une grande subtilité qu’un biopic ne se doit pas uniquement de raconter l’Histoire avec un grand H mais bien qu’il peut se permettre et qu’il ne doit pas avoir peur de développer des moments plus intimes entre les différents protagonistes, des moments de contemplations mais aussi des simples instants de vies qui sont trop souvent omis, car jugés non intéressants, dans d’autres films du même genre. Une démarche qui porte ses fruits puisque les personnages deviennent ainsi plus intéressants pour le spectateur qui n’est plus intimidé par les incroyables actions accomplies sorties d’un livre d’histoire et peut, de ce fait, s’identifier facilement à eux en tant qu’être humain.
Cette facilité d’identification du spectateur aux différents protagonistes permet alors durant les moments de tension qui parcourent astucieusement le film, de ressentir une véritable angoisse quant au futur des personnages alors même que l’on connaît leur destin à l’avance, on se retrouve à s’inquiéter si Neil Armstrong (ou d’autres personnages) va s’en sortir indemne de telles ou telles péripéties. Si la tension fonctionne si bien, elle n’est pas uniquement due à l’affection que l’on a pour les personnages, une grande partie du mérite revient à la réalisation qui bien que plus austère que les précédents projets du réalisateur ne manquent certainement pas d’idées pour nous plonger de manière la plus réaliste possible dans ces quelques années de la vie de l’astronaute.
Les effets visuels, qui bien que timides, sont impressionnants justement car ils sont invisibles à l’œil nu et aussi parce que beaucoup d’entre eux n’ont pas été réalisé par des ordinateurs mais bien via des astuces visuelles comme la projection d’un fond filmé à l’avance qui donne une impression de réalisme lors des différentes séquences de vols quasiment inégalables avec des CGI.
Le scénario sous fond de guerre froide et des mouvements de contestations et de libérations des années 60 est une des grandes réussites de ce film, Nicole Perlman et Josh Singer inspiré par la biographie de Neil Armstrong par James Hansen sortie en 2005 ont réussi à être concis et à garder un rythme constant à l’histoire pour que celle-ci ne devienne pas inintéressante, les grands aspects émotionnels du film que ce soit l’accomplissement de l’alunissage ou les moments durs dans la vie privée de Neil sont écrits d’une main de maître et ne tombe jamais dans le pathos tout en sachant provoquer un véritable bouleversement émotionnel chez le spectateur.
Les acteurs ne sont pas en reste de la réussite qu’est « First Man », car si le spectateur arrive si bien à s’identifier aux personnages, c’est en grosse partie due aux acteurs qui arrivent tous à interpréter avec une grande justesse et crédibilité leurs différents personnages. Une mention spéciale à Ryan Gosling, interprète de Neil Armstrong qui nous donne l’impression de se transformer physiquement au fil des épreuves personnelles et professionnelles auxquelles il doit faire face, à tels points qu’il est facile d’oublier que derrière ce faciès se trouve en réalité Gosling, pourtant ce genre de performances peut très vite tomber à l’eau avec un acteur qui abuserait de « grimaces » ou de « gimmicks » pour rendre le personnage plus proche de l’actuelle personne qu’il est censé interpréter, mais ici la ligne entre interprétation et caricature n’a pas été franchie ce qui est une chose à célébrer.
La musique de Justin Hurwitz, long collaborateur de Damien Chazelle, vient rajouter une touche de fantaisie très appréciée au film, tous les morceaux ne sont pas parfaits, il y en a qui se révèle être très banales et sans grand intérêts mais il y en a une bonne moitié qui tire son épingle du jeu en proposant des airs d’une beauté saisissante, comme « Docking Waltz » une très belle référence à « 2001 : L’odyssée de l’espace », « Houston » avec son air entêtants et extrêmement mémorable, « The Armstrongs » une mélodie pleine de mélancolie ou encore « The Landing » un morceaux épique et mélodiquement réjouissant.
Damien Chazelle réussi avec « First Man » là où d’autres auraient pu échouer en proposant une vision différente de cet évènement majeure de l’histoire, en montrant que derrière chaque grande réussite de l’humanité il y a de simples hommes et femmes avec leurs vécus et leurs problèmes, qui sont prêts à sacrifier que ce soit leur vie ou leurs relations, pour l’avancée de la race humaine.