Critique de « Jurassic World – Dominion » par E-Stark
« Vos savants étaient si préoccupés par ce qu’ils pourraient faire ou non
qu’ils ne se sont pas demandés s’ils en avaient le droit ! »
Jeff Goldblum – « Jurassic Park » de Steven Spielberg (1993)
En 1993 Steven Spielberg s’appropriait le roman de Michael Crichton pour créer un film qui allait marquer l’histoire, susciter des vocations et faire naître des passions. En 2022 Colin Trevorrow, fanboy ultime de cet univers, nous invite à lui dire au-revoir.
Je me souviens encore quand j’ai découvert pour la première fois des dinosaures en vrai (parce qu’ils l’étaient à mes yeux) à la télévision quelques années après la sortie du film en salles, je n’ai plus la date exacte mais cela devait être aux alentours de 1994-95 sur TF1, la publicité de la chaîne m’ayant bien marqué à l’époque. J’avais littéralement été terrifié par le T.Rex, mais le mal était fait : comme beaucoup d’autres gamins de l’époque, j’allais faire des dinosaures mon sujet de prédilection. Mes Legos en ont vécues des attaques de T.Rex, j’y ai passé du temps sur Jurassic Park Operation Genesis sorti dans les années 2000 sur PC et consoles, à essayer de créer mon parc de rêves et bien sûr j’ai lu les deux romans de Michael Crichton. Aujourd’hui rien n’a vraiment changé, la télé me happe littéralement quand je tombe sur un documentaire sur les dinosaures, j’ai versé ma larme quand la T.Rex rugissait triomphalement dans Jurassic World, j’ai de nouveau versé ma larme quand le brachiosaure n’a pas pu être sauvé dans Fallen Kingdom et je passe encore des heures sur Jurassic World Evolution à chouchouter moult espèces du Mésozoïque comme en témoigne mon temps de jeu sur Steam. Pour finir je passe encore sûrement trop de temps à écrire des critiques pour défendre ces films, qui bien qu’imparfaits, sont à mon humble avis bien trop fustigés comparés à d’autres qui font souvent la même chose.
Alors forcément quand comme moi il ne s’écoule que très rarement une semaine sans que je ne pense aux dinosaures, difficile de ne pas attendre l’arrivée d’un nouveau film Jurassic en salles. Le retour de la franchise en 2015 m’avait conqui, sa suite en 2018 m’avait un peu décontenancé malgré une certaine logique narrative que d’autres revisionnages ont confirmés. Au temps dire que voir comment humains et dinosaures allaient cohabiter dans Jurassic World – Dominion, cela m’intriguait beaucoup, même si comme à chaque fois une pointe d’anxiété n’était jamais bien loin. Une pointe d’anxiété renforcée d’ailleurs par des premiers retours presse et spectateurs chaotiques. Les années passent et bien que je me fasse la réflexion à chaque fois, je continu de lire les critiques avant d’aller me faire mon propre avis. Si bien que je pars en salle avec des à prioris alors qu’au final, qu’il soit positif ou négatif, mon avis n’est souvent pas en adéquation avec ce que j’ai pu lire auparavant. Il faut vraiment que je me force à sauter cette étape. Une critique étant finalement bien plus intéressante à lire dès lors que l’on s’est déjà fait son propre avis, car en matière de divertissement et de cinéma n’est-ce pas notre avis qui prime en définitive ? Oui je m’étale et je n’ai pas encore parlé du film, mais je dois avouer que la sortie de Dominion et son bashing public m’a poussé à réfléchir sur ce sujet précis.
Le film, puisque c’est quand même pour cela que nous somme là, et bien si je voulais être concis je dirais que je n’ai pas détesté, que je n’ai pas adoré non plus, que ce n’est pas en effet la conclusion rêvée pour cette franchise, mais par-dessus tout je dirais que cela pouvait être bien pire. J’aurais aimé que le film prenne plus son temps pour exposer ses nouveaux enjeux, ce qui est assez paradoxal puisque le long-métrage fait déjà plus de 2H30. Je pense que c’est là mon plus gros regret car pour ma part je connais le lore de la franchise, je connais Biosyn et les potentielles dérives génétiques évoquées dans l’univers de la saga. Donc en somme rien ne m’a surpris, mais je n’aime pas trop cette tendance à voir des films en « kits ». C’est un peu comme les Marvel où il faut désormais avoir vus deux ou trois séries associées pour comprendre la suite, je sais que c’est une industrie mais tout de même. Pour Dominion c’est pareil, il est préférable avant d’aller voir le film de parcourir au préalable le site Dino Tracker, c’était le cas avec le site de Masrani Global en 2015 et du Dinosaurs Protection Group en 2018. Le soucis c’est que le film malgré son univers étendu en ligne, laisse tout de même des questions sans réponses. Notamment concernant les lois vis-à-vis des ces nouveaux animaux désormais en libertés sur la planète ou bien l’absence d’interventions militarisées dans certaines zones. Le film n’aborde pas assez en profondeur je trouve la question de la propriété intellectuelle. Sur un tout autre sujet je trouve aussi que le film manque de séquences icôniques. Certes il y en a tout de même des très réussies, notamment tout le passage à Malte, mais malgré un fan-service constant et qui ne surprend pas ( honnêtement, s’imaginer que l’inverse était possible c’est comme penser que Trump puisse se lancer dans l’écologie ), le film manque souvent de moments marquants.
A côté de cela, quitte à être totalement à contre courant, je dois bien avouer que le reste du scénario ne m’a pas dérangé plus que cela, j’ai même trouvé qu’il faisait sens avec le reste de la franchise. Dans les avis négatifs j’ai surtout lu que le soucis du film c’était qu’il ne plaçait pas les dinosaures comme la grande menace du scénario. Mais à quel moment dans la saga les dinosaures ont-ils été des antagonistes ? Ce sont des animaux, qui au préalable ne vivaient que sur deux îles et qui sont maintenant parmi les humains. Mais qui sont les responsables de cette cohabitation forcée ? L’éruption du Mont Sibo dans le film précédent ? Ou l’avidité des hommes qui ont pensés qu’il n’y avait pas de conséquences à ramener des espèces disparues à la vie ? Et pour finir, Malcolm depuis le premier film ne met-il pas en garde le monde face à ces manipulations génétiques et les questions éthiques qu’elles soulèvent ? Le véritable antagoniste de la saga à mon sens ce ne sont pas les dinosaures, qui n’en sont que la conséquence finalement, mais bien la puissance génétique dès lors qu’on l’utilise à tort et à travers. Ian Malcolm en parlait très justement dès le premier film, alors qu’il effectuait la visite préliminaire du Jurassic Park aux côté d’Alan Grant et Ellie Sattler. (Voir citation en haut de la critique.)
Ainsi donc le scénario vient nous rappeler que même après près de trente années à s’efforcer de contrôler la nature, c’est cette dernière qui aura le dernier mot si on essaie pas de rectifier le tir. En cela le film fait evidemment un parallèle avec la crise écologique bien réelle que subit depuis déjà trop longtemps notre belle planète. C’est assez basique et simple comme propos bien sûr, mais c’est malheureusement d’actualité, et pour ma part je pense qu’il n’est pas très sain de blâmer une oeuvre qui tend à nous le rappeler. Mais peut-être est-ce là ce qui ne plaît pas finalement, que l’on rappelle à quel point la nature humaine peut-être parfois pourrie jusqu’à la moelle, même quand elle est animée des meilleures intentions.
Alors bon, oui j’aurais aimé que la conclusion de cette saga soit peut-être un chouilla plus pessimiste. Mais d’un autre côté je ne voyais pas non plus le scénario éradiquer tous les dinosaures. J’aurais aimé voir une séquence nous expliquer une nouvelle législation concernant les manipulations génétiques dans le but de créer de nouvelles espèces ou d’en ramener à la vie. Et cela n’aurait même pas été une prise de risque, puisque le scénario semble en effet les éviter à tout prix. Oui j’aurai préféré voir ça plutôt que de voir en arrière-plan une petite fille nourrir un moros intrepidus, une idée purement « Trevorrowienne ». D’ailleurs je dirais que Trevorrow malgré ses gros sabots ne s’en sort pas trop mal. Certes passer après la mise en scène de Juan Antonio Bayona n’a rien d’une mince affaire, et par conséquent le film paraît beaucoup plus terne que le précédent, idem en terme d’émotion. L’émotion justement ne concernera probablement que les fans pures, qui pour le coup sont bien servis. Je pense néanmoins que Trevorrow pourrait être très à l’aise dans la réalisation de films d’action purs comme un Mission Impossible par exemple, la séquence à Malte le démontre plutôt bien.
Pour finir je ne peux pas faire l’impasse sur le retour du casting original. Tout le monde craignait que Sam Neill, Laura Dern et Jeff Goldblum ne feraient que de la figuration, mais il n’en n’est rien. Tous les trois ont des rôles actifs au sein du film, laissant parfois même le duo formé par Chris Pratt et Bryce Dallas Howard au second plan. La jeune Isabella Sermon n’est pas l’actrice du siècle mais fait le job, quant à DeWanda Wise et Mamoudou Athie ils campent tous deux de nouveaux personnages sympathiques. B.D. Wond lui aussi est de la partie et s’en sort bien, à l’inverse de Campbell Scott qui campe Dodgson, trop caricatural à l’image de Vic Hoskins et Elli Mills dans les deux films précédents.
Voilà la trilogie Jurassic World est terminée et la franchise Jurassic Park tire sa révérence. Ce n’est pas un feu d’artifice mais c’est loin d’être le four annoncé. Pour ma part je ne peux pas nier que j’ai apprécié cette séance et je reverrais le film avec plaisir dès que possible. Longue vie à Rexy et vive les dinosaures !