Critique de « La Ligne Rouge » par E-Stark
« Je vois ces garçons en train de mourir et j’éprouve rien. Y’a plus rien qui compte pour moi. »
John C. Reilly – « La Ligne Rouge » de Terrence Malick (1999)
Vingt ans après avoir réalisé son dernier film, « Les Moissons du Ciel », Terrence Malick revient derrière la caméra pour livrer ce qui va être l’un des films les plus emblématiques de sa carrière. « La Ligne Rouge » est une immersion de 2h50 dans la vie de soldats envoyés au front, lors de la bataille de Guadalcanal durant la Seconde Guerre Mondiale.
« La Ligne Rouge » n’est pas réellement un film sur la guerre, mais plutôt une oeuvre qui en parle en l’abordant de manière singulière. Bien que certaines scènes de combats soient impressionnantes, le film tend bien plus à demeurer dans l’oeuvre intimiste. La caméra suit ces soldats qui petit à petit laissent une part de leur humanité dans cette guerre. Une guerre qu’ils ne comprennent pas.
« La Ligne Rouge » c’est aussi la confrontation de deux univers, celui de la nature, divine, pure, calme et impulsive, et celui de la guerre, sanglante, éprouvante, dur et impartiale. Comment les hommes en arrivent-ils à de tels extrêmes ? C’est une question que pose le film parmi beaucoup d’autres, car dans cette grande fresque poétique où l’horreur et la philosophie cohabitent pour permettre au spectateur d’être introspectif, la majeure partie du sujet n’est finalement qu’une grande métaphore pour explorer la psyché humaine.
La nature est ici filmée avec une majesté que seul Terrence Malick sait capter, les corps, les regards, les gestes, tout découle d’une grande spontanéité pour être en osmose non seulement avec le scénario et la mise en scène, mais aussi avec le cadre naturel dans lequel le film est tourné.
Il s’agit là de la mise en image d’une guerre au paradis, et à l’inverse d’un film comme « The Tree of Life » du même réalisateur, qui se rapproche plus d’une grande symphonie lyrique et métaphysique sur la vie et la famille, « La Ligne Rouge » est un long-métrage qui se veut plus représentatif, et il est d’ailleurs bien plus accessible également.
La seule chose qui peut perdre le spectateur, c’est le rythme, mais pas l’histoire, cette dernière étant très linéaire, ce qui ne lui enlève rien de sa grâce. Mais en effet le film est volontairement lent, ce rythme particulier est justement là pour favoriser la réflexion. Il permet aussi de dépeindre plus clairement ce qu’endurent les personnages, à l’instar de la nature qu’ils profanent malgré eux.
Cet ensemble est survolé par la mise en scène fluide et très libre du réalisateur, mais aussi par la musique poignante, mais parfois aussi inquiétante et dur, de Hans Zimmer.
Bien qu’il n’y a à proprement parler pas de personnage principal ici, on peut en revanche dénombrer pas moins d’une vingtaine d’acteurs tous mis à un moment où un autre en avant. Si Sean Penn et Jim Caviezel sortent leur épingle du jeu, la scène avec John C.Reilly près des blessés, est d’une beauté saisissante, tant dans les paroles qu’à l’image.
« La Ligne Rouge » est un film qui réussi tout ce qu’il entreprend. Une oeuvre très forte, poignante, et belle comme un tableau. Terrence Malick casse les codes du film de guerre pour y imposer sa patte et sa vision, faisant du long-métrage un film qui marque le spectateur pas seulement dans son âme mais aussi dans sa chair. Un véritable chef-d’oeuvre.
Ma note: 10/10