Critique de « Ma vie avec John F. Donovan » par E-Stark
« Qu’est-ce qu’un artiste devrait révéler de lui-même ?
Et pourquoi est-ce que ça nous importe au juste ? »
Ben Schnetzer – « Ma vie avec John F. Donovan » de Xavier Dolan (2019)
Voilà déjà dix ans que Xavier Dolan dévoilait au monde son premier film, et il va sans dire que J’ai tué ma mère malgré quelques maladresses s’avérait être une oeuvre puissante et singulière. Dix ans plus tard, le (toujours) jeune réalisateur québécois a-t’il conservé sa fougue ?
Ma vie avec John F. Donovan est donc le premier film de Xavier Dolan dans la langue de Shaekspeare. Armé d’un solide casting cinq étoiles, le film avait tout pour intriguer et sa production mystérieuse ponctuée de rebondissements en tous genres (financement compliqué, la coupe de Jessica Chastain au montage, entre autre) n’a fait que renforcer la curiosité latente d’un public désormais habitué à voir sur le grand écran et dans les festivals de cinéma les derniers films du jeune homme. Il aura fallut trois ans pour que ce nouveau film sorte en salle, accompagné comme pour le précédent, Juste la fin du monde, d’un accueil assez tiède.
Effectivement Ma vie avec John F. Donovan a de quoi dérouter un peu. Si sur le plan technique et mise en scène tout est impeccable bien que moins ambitieux que les films précédents, c’est véritablement en terme de narration et d’écriture qu’il y a des problèmes. Le film tel qu’il est, accuse une production trop chaotique et surtout un remontage tardif, si bien qu’il y a des manques, comme en témoignent les nombreuses ellipses du film. Cela étant, même dans ses films les plus maladroits, Dolan a toujours su mettre en scène des instants forts et rares, ici aussi c’est le cas. Malheureusement si le film sait parfois montrer une certaine fougue dans sa mise en scène, notamment cette séquence de pétage de plomb avec Kit Harrington ou encore ce face à face mère/fils avec Natalie Portman et Jacob Tremblay, certaines autres séquences ne font pas mouche car trop souvent outrancières. Notamment cette scène où le jeune Rupert découvre la nouvelle saison de sa série préféré, Jacob Tremblay en fait des caisses.
Il émane également du film une certaine aura étrange, comme empreinte de mégalomanie. Quelque chose qui est d’ailleurs souvent reproché au cinéma de Dolan dans les billets qui lui sont consacrés. Ma vie avec John F. Donovan est un film très personnel, sûrement trop même. Car si l’on détricote un peu les deux personnages principaux, à savoir John et Rupert, chacun ont en eux des éléments qui caractérisent le réalisateur lui-même. Dolan parle d’un film sur l’admiration, mais laquelle ? Celle d’un jeune fan pour son idole ? Ou bien celle d’un réalisateur pour lui-même ? Mégalomanie ou narcissisme ? Pourtant malgré tout subsiste une réflexion sur la célébrité et sur comment le public vous perçoit en tant que célébrité, un potentiel intéressant mais jamais exploité à fond tant l’écriture semble avoir été passé à la moulinette.
Point d’interprétation en état de grâce ici ni de séquence marquante, malgré son aspect « film somme » Ma vie avec John F. Donovan est un Xavier Dolan mineur à qui il manque cet aspect « de bric et de broc » qui donnait toute leur saveur aux précédentes réalisations du garçon.