Critique de On Happiness Road par Anne-Laure
Le champ de l’animation est vaste et varié, on ne le dira jamais suffisamment, et ce, tant au niveau des sujets, des publics visés que des techniques employées. Si l’animation asiatique est principalement connue pour son versant japonais, d’autres pays produisent également des perles qui valent grandement le détour. C’est le cas de Happiness Road, de la réalisatrice taïwanaise Hsin Yin Sung. Celle-ci s’inspire (partiellement) de son propre vécu pour son premier long-métrage, lequel a été présenté au festival Annecy en 2018.
« Happiness Road », c’est l’histoire de Tchi, jeune femme taiwanaise partie vivre aux Etats-Unis et qui, à la suite du décès de sa grand-mère, retourne dans son pays d’origine. Alors que les rues et les personnes rencontrées font remonter des souvenirs, Tchi est prise de doutes quant à la vie qu’elle souhaitait et celle qu’elle a menée, était-ce véritablement le bon choix ?
« Happiness Road », c’est aussi le nom de la rue où emménage Tchi et ses parents lorsqu’elle est enfant, mais c’est probablement aussi un synonyme de la « vie ». Quelle est donc cette « route du bonheur » à laquelle nous aspirons tous ? Comment la trouver, comment ne pas en dévier ?
Ainsi, en revenant sur un « morceau de vie », le film revient aussi sur près de trente ans de l’histoire taïwanaise, assez méconnue par ici : la dictature, ses obligations et ses censures, la transition progressive vers la démocratie, les différentes cultures et dialectes… Il raconte aussi l’évolution des relations familiales ou amicales voire amoureuses, dans ce monde toujours en mouvement. C’est l’occasion de rencontrer des personnages tout aussi originaux qu’intéressants, notamment une grand-mère « indigène » semblant un peu excentrique et une meilleure amie métisse américaine (Taiwan étant une base américaine) dont les yeux et cheveux attisent la curiosité. Un des questionnements soulevés par la réalisatrice est donc celui de l’identité, comment se crée-t-elle et où ou comment s’arrête-t-elle ?
S’il parle des doutes quant aux actions déjà réalisées, le film parle également des rêves : ceux que l’on souhaite voir se réaliser et ceux, souvent absurdes ou incongrus, nés de notre subconscient. Aussi, le film se permet de belles envolées imaginatives empreintes d’onirisme, faites de poulets géants que l’on peut chevaucher pour s’envoler ou, plus classiquement, de princes et de princesses.
L’animation elle-même peut sembler un peu étrange de prime abord, ne rentrant pas exactement dans les habitudes actuelles, tout en ne s’en éloignant pas totalement. Au fur et à mesure toutefois, elle devient véritablement agréable à l’œil, aidée par de magnifiques paysages.
Par ailleurs, un premier coup d’œil aux visuels peut donner l’impression que le film se dirige majoritairement vers un public jeune. C’est pourtant loin d’être le cas. En effet, si « l’histoire dans l’histoire » est en effet basée sur l’enfance du personnage principal, c’est bien celle-ci que l’on suit, dans ses doutes d’adulte. Une grande nostalgie se dégage du métrage, le rappel d’un passé qui n’existe plus que dans des souvenirs. De ce fait, il parlera sans doute davantage, évoquera plus de choses pour un public plus « âgé ». D’autant plus que, bien que se déroulant à Taïwan et laissant une large place à des contextes historiques et sociologiques spécifiques, les thèmes tels que la famille, la nostalgie ou les doutes quant à nos choix, ont une portée universelle.
Happiness est donc un film très joli et émouvant, original dans son animation et dans la manière de traiter ses sujets et l’on espère voir prochainement d’autres créations de Hsin Yin Sung.