Critique de « Ready Player One » par E-Stark
« L’Oasis est le seul endroit où j’ai la sensation d’être quelqu’un. »
Tye Sheridan – « Ready Player One » de Steven Spielberg (2018)
Steven Spielberg revient à la science-fiction près de quinze ans après La Guerre des Mondes, le film était sombre et dramatique, une oeuvre glaçante sur l’Amérique meurtrie. Avec Ready Player One on pouvait s’attendre à tout, et pourtant les deux films révèlent avoir des similitudes flagrantes.
Ready Player One s’avère être un tour de force incroyable tant il est ancré dans son époque et pourtant totalement incarné par une nostalgie singulière, avec laquelle le réalisateur nous invite à réfléchir sur le cinéma d’aujourd’hui, mais aussi de demain. Faisant constamment référence à une pop-culture qu’il a lui même grandement façonnée dans les années 80 et 90, Spielberg s’approprie l’oeuvre d’Ernest Cline et use d’une narration simple mais efficace pour poser les bonnes questions quant à ce qu’est devenu le cinéma de divertissement aujourd’hui. A l’heure où Marvel et DC Comics imposent au monde du cinéma leurs super-héros, où les remakes et les suites des films qui ont fait la gloire d’Hollywood il y a vingt et trente ans, Spielberg s’amuse à reprendre tous ces éléments pour nous confronter, en tant que spectateur et fan, à notre propre nostalgie.
Une nostalgie réconfortante et qui influe pourtant sur la créativité du cinéma actuel. Je ne mentirais pas en disant que j’ai sautillé de joie sur mon siège en revoyant la Delorean de Retour vers le futur, King Kong et bien sûr Rexy de Jurassic Park (ma chouchoute !), j’avais d’ailleurs adoré Jurassic World en 2015 qui jouait allègrement sur la nostalgie des fans. Mais ce qui s’avère être le vrai tour de force dans l’exposition scénaristique de Spielberg avec Ready Player One, c’est qu’il place tout cela au coeur d’un récit plus moderne et pourtant parfaitement balisé par les codes du genre. Le héros sans figures parentales, qui n’a pour lui que son imagination pour s’évader et qui bien sûr va se retrouver au coeur de péripéties qui le dépassent. Néanmoins le scénario aussi simple soit-il, ne manque jamais de mettre en avant que la nostalgie a du bon et du moins bon. Les héros font sans cesse appel aux diverses références du passé pour avancer dans leur quête. En revanche quand les personnages doivent faire face à un élément nouveau qui leur demande de réfléchir en sachant que les éléments de nostalgie ne leur seront d’aucun secours (je grossi le truc bien entendu), l’entreprise s’avère plus compliqué.
En somme Spielberg, grâce au sujet de la réalité virtuelle, réussi à mettre en avant un discours qui n’était pas perceptible au premier abord dans des oeuvres comme Jurassic World par exemple en ce qui concerne la nostalgie, et pour ce qui est du divertissement on peut aussi penser aux soeurs Wachowski avec Jupiter Ascending, pour le film victime des studios frileux quant à la créativité au profit du divertissement sans âme. J’assume totalement ces propos d’ailleurs. Le fond de Ready Player One est fascinant dans la mesure où il rempli totalement son cahier des charges, c’est drôle, rythmé, joli et ultra divertissant, mais sans oublier que derrière tout cela se tient un réalisateur de soixante dix ans qui nous invite à réfléchir sur ce que l’on veut vraiment voir aujourd’hui au cinéma. Alors nostalgie ou créativité ? Chacun fait son choix, et je pense même qu’on peut faire les deux, la preuve en est avec ce film.
Pour ce qui est du reste et bien on notera que les prestations sont toutes exemplaires, notamment Tye Sheridan bien sûr qui sans être l’acteur du siècle se débrouille parfaitement (J’en connais un qui voudra m’enfermer pour ne pas avoir été plus enthousiaste !), Olivia Cooke que l’on avait vu dans la série Bates Motel s’avère elle aussi très à l’aise dans ce registre. Ben Mendelsohn est à nouveau un méchant impeccable, plus présent que dans Rogue One où il était déjà charismatique. On retrouve également Mark Rylance, excellent dans la peau du fondateur de l’Oasis. Quant à Steven Spielberg il faut bien avouer que malgré les années et quelques films plus intimistes, il ne perd pas de sa superbe quand il s’agit d’en mettre plein les yeux à son public. Une séquence en lien direct avec l’oeuvre de Stanley Kubrick au milieu du film est d’ailleurs une nouvelle leçon de cinéma de la part du réalisateur. C’est aussi un plaisir de retrouver Alan Silvestri à la bande-originale.
Ready Player One est assurément l’un des films phares de cette année 2018, une oeuvre généreuse mais qui ne cède jamais au simple divertissement au détriment du fond. Est-ce qu’il s’agit d’un des meilleurs Spielberg ? Je ne pense pas non, mais c’est en tout cas un film qui remet beaucoup de choses en perspective. Bon sang ce que ça fait du bien !
Ma note : 8,5/10