Critique de « The Irishman » par E-Stark
« Quel connard vient à une réunion en short ?! »
Al Pacino – « The Irishman » de Martin Scorsese (2019)
Projet de longue date pour Martin Scorsese, The Irishman a subi les affres d’une production compliquée et longue. Reprit par le géant du streaming Netflix, le dernier né de Scorsese du haut de ses 3h30 s’impose comme un long-métrage très réjouissant.
C’est un peu un film somme pour Scorsese, l’oeuvre qui vient parfois donner l’impression qu’elle pose la dernière pierre d’une filmographie légendaire. Âgé de 77 ans, Scorsese livre ici une déclaration d’amour passionnée aux films de mafieux, à l’Italie qui l’inspire et à trois acteurs symboliques. Le réalisateur n’a rien perdu de sa superbe quand il s’agit de mettre en scène des histoires de malfrats, des personnages qu’il sublime dans leurs pires aspects. A l’image d’un Robert De Niro ici désabusé et fatigué, Scorsese pose un regard tendre sur cet anti-héros sombre auquel l’acteur confère une prestance et un charisme monstrueux.
Pareillement pour Joe Pesci, tanné par De Niro et Scorsese pour rejoindre le film, il joue ici un personnage propre à ceux qu’il a pu incarner par le passé, mais sous un autre jour. Ses rictus et sa finesse ponctuent parfaitement son jeu pourtant plus en retrait mais pas moins puissant. Quel bonheur de le revoir devant la caméra du réalisateur. Puis il y a Al Pacino qui inaugure ici sa première prestation dans un film de Scorsese. Comme on dit, mieux vaut tard que jamais, car l’acteur est parfait dans la peau de Jimmy Hoffa. On notera aussi dans un rôle moins important, Harvey Keitel qui malgré tout nous régale d’une scène de dialogues savoureuse.
Tout ce beau monde s’agite devant la caméra, s’énerve et s’amuse. Outre l’énergie si particulière et la fluidité dans le montage, le film prend aussi le temps de se poser pour créer l’émotion, instaurer une dramaturgie bienvenue et jouer avec l’irrévérence des situations tantôt méchamment drôles et tantôt noires et sanglantes. Marty est toujours un divin voyou et tant mieux. Le travail sur les couleurs, la photographie et la musique est impeccable et vient lui aussi affirmer le postulat du film, à savoir être à la fois le récit libre d’un fait bien réel, une histoire de mafieux enragée et un grand film ultime dans tous les aspects de sa conception. Casting cinq étoiles, bande-originale et additionnelle aux petits oignons, durée qui permet d’exploiter pleinement toute la narration, Netflix laisse ici le chambre libre à Scorsese, et il en résulte une oeuvre aussi singulière qu’incontournable.
The Irishman est à la fois l’objet cinématographique que tout admirateur de Martin Scorsese pouvait attendre, mais aussi une histoire de gangsters dans les grandes règles de l’art et un film qui se pose comme le dernier témoin d’un âge révolu du cinéma américain, à l’image du réalisateur et des acteurs qui en ont conçus toute la fragrance. Très grand film !