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« Ma vie avec John F. Donovan » par Quentin

Le cinéma, à n’en pas douter, est cet art qui se vaut véritablement lorsqu’il sait faire jaillir des émotions insoupçonnées par le spectateur même. On pleure, on tremble, on rit. Les poils s’hérissent et les larmes coulent. C’est là qu’un film nous a touchés en plein coeur, s’est adressé à notre sensibilité la plus personnelle. The death and life of John F. Donovan est de ces oeuvres. Sa portée, immense, sera sous-estimée. On retiendra les rumeurs sur sa production chaotique, l’éviction de Jessica Chastain lors du montage final, son accueil glacial auprès du public américain. Ironiquement, tout objet de scandale, loin de la pureté du matériau même, à l’instar des épreuves que le protagoniste est amené à traverser au cours du long métrage.

Car c’est bien de ça qu’il est question lorsque Dolan entreprend de frapper d’un grand coup de pied la fourmilière bien droite du star-système hollywoodien. Reprendre les codes d’un cinéma qui l’a forgé, soupe de Titanic et autres grandes oeuvres des 90s, en y ajoutant cet ingrédient manquant à tout petit garçon ayant été Rupert Turner (Jacob Tremblay, Room) : celui qui les vaut tous, ce sentiment d’appartenance.
En somme, cela en fait son oeuvre la plus personnelle, celle à laquelle j’ai été le plus sensible, pour être moi-même passé à travers ce sentiment d’observer ce cinéma d’une autre rive, à travers un voile, que Dolan déchire avec maestria. Ma vie avec John F. Donovan est selon ses propos le film qu’il aurait aimé montrer à une version enfant de lui-même. Dans son entreprise, il en atteindra bien d’autres, tant l’oeuvre est nécessaire.

L’oeuvre commence sur des plans serrés, la mort en premier plan, puis le souvenir commence, la vie revient, telle une boucle.

Thandie Newton et Ben Schnetzer sont nos hôtes dans ce voyage au coeur des rêves perdus, l’une est cette journaliste désabusée entreprenant à reculons son interview avec le second : homme accomplit, le regard serein, porteur d’un message. Cette opposition explosive entre les deux personnages savoureusement interprétés est la colonne vertébrale du film. Symboliquement, Dolan face à son public. Audrey Newhouse (Newton) est comme précisé absolument hors de ce monde, journaliste politique se battant contre les inégalités. De l’autre, le Rupert Turner adulte incarné par Schnetzer est issu du monde du spectacle. Comment prouver que ces deux univers aspire à un seul et même combat ? Que par l’art, les premiers jalons d’une société nouvelle peuvent se développer ? C’est peut-être là toute la question que se pose Dolan à travers son cru 2019, et plus largement, depuis les premiers instants de son cinéma.

En outre, c’est ce qui le rend si unique. Aujourd’hui plus que jamais, le metteur en scène québécois a quelque chose à dire, des valeurs à défendre, marque d’un grand artiste. Cela transpire de tous ces instants volés devenus sa marque de fabrique, caméra fixée sur le regard aimant de Susan Sarandon en mère du héros, course effrénée sous fond de « Stand by me » repris par Florence + The Machine entre une Natalie Portman d’une justesse rare et un Jacob Tremblay qui impressionne, puis ce final, dont émane l’espoir enivrant de cet art de demain, prêt à admettre de nouveaux codes, prêt à étreindre le nouveau.

Une étoile meurt, une autre naît, pour briller à jamais.

Quentin
  • Point B.O. :

– The Verve = Bitter Sweet Symphony

– Florence + The Machine = Stand by me

– Adèle = Rolling in the Deep

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