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« Phantom Thread » par Quentin

Couvrir la crasse de la condition humaine sous la beauté de la soie et des plats, Paul Thomas Anderson narre pour son huitième long métrage les amours merveilleusement pervers d’un éminent couturier, Reynolds Woodcock (fabuleux Daniel Day-Lewis), et de sa muse, la curieuse Alma Elson (Vicky Krieps, grande révélation). D’un rythme facilement repoussant, Phantom Thread est à bien des égards une oeuvre fascinante. Dans ce jeu de domination, Reynolds et Alma avancent tel des pions d’échec le tout sous le regard de « la vieille ça et ça » du héros, la magnétique soeur Woodcock, Cyril (Oscar pour Lesley Manville s’il vous plaît !).
Plus qu’un jeu, Phantom Thread est une danse macabre entre deux grands talents : à l’instar de leurs personnages, le tandem Day-Lewis/Krieps est la rencontre de deux mondes, l’ancien et le nouveau, comment ceux-ci vont s’apprivoiser, le premier attiré par le second, le repoussant puis le rappelant à son chevet ne pouvant avancer sans lui quand bien même il est, littéralement, la source de son déclin.
Il y a quelque chose proche de la grâce dans le grain photographique dont Paul Thomas Anderson s’est personnellement occupé. Le réalisateur de Magnolia et Boogie Nights filme ses personnages comme des prédateurs silencieux, des monstres de froideur auxquels la douce et chaleureuse Alma va devoir s’acclimater si elle veut survivre dans ce monde de ciseaux et d’aiguilles. Repoussant Phantom Thread donc ? Totalement, mais pas de la manière dont on l’entend. Oeuvre riche de noirceur, étonnement drôle, le long métrage est également bluffant de maîtrise tenant presque de la leçon de cinéma.
Elégant dans la démesure où rien n’est laissé au hasard, pas même un regard, la première incursion sur le sol anglais du metteur en scène américain surprend également dans son habileté à nous faire aimer ses héros détestables, Reynolds et Alma sont des personnages malsains entretenant un amour qui nous ferait presque prendre la pauvre Cyril en pitié, triste spectatrice des tourments de ces deux vents contraires flirtant avec la mort et la dentelle dans une valse inoubliable et certainement l’une des oeuvres phares de cette saison des Oscars. Grand film.

Note : 4/5.

Quentin

« Phantom Thread » de Paul Thomas Anderson, sorti le 14 février 2018 dans les salles françaises, avec notamment Daniel Day-Lewis, Lesley Manville, Vicky Krieps, …

Synopsis :  Dans le Londres des années 50, juste après la guerre, le couturier de renom Reynolds Woodcock et sa soeur Cyril règnent sur le monde de la mode anglaise. Ils habillent aussi bien les familles royales que les stars de cinéma, les riches héritières ou le gratin de la haute société avec le style inimitable de la maison Woodcock. Les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes jusqu’au jour où la jeune et très déterminée Alma ne les supplante toutes pour y prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée et organisée au millimètre près.

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