Critique de « 3 Billboards : Les panneaux de la vengeance » par E-Stark
« Plus on expose une affaire au grand jour, plus on a de chances qu’elle soit résolue. »
Frances McDormand – « 3 Billboards : Les panneaux de la vengeance » de Martin McDonagh (2018)
C’est une « dramédie » étincelante faisant le portrait d’une Amérique profonde, souvent racontée, que nous propose ici Martin McDonagh. Dans la peau de la déjà culte Mildred Hayes, Frances McDormand rafle tout, Golden Globes et Oscars. Un film plein de promesses donc …
Effectivement 3 Billboards s’avère être une oeuvre singulière et qui de prime abord frappe par son ton. Un diamant brut, un film sans concession qui oscille avec brio entre comédie et drame. Martin McDonagh ne s’embarrasse pas des carcans du genre de la comédie ou de celui du drame, il choisi de faire des deux un moyen de narration et cela fonctionne. Là où le film nous fait rire, c’est pour mieux nous désarmer ensuite et cela sans jamais tomber dans la surenchère ou la facilité. En somme 3 Billboards est un film de nuances, un cocktail qui n’a de cesse de se renouveler pour mieux mettre en avant le combat de cette femme et plus encore.
Car l’autre choix intelligent dans la réalisation c’est de ne pas avoir placée la narration dans le seul point de vue de Mildred, mais aussi dans celui des officiers contre lesquels elle se déchaîne. Ainsi le récit peut aller encore plus loin et se mouvoir en un portrait poignant et crédible d’une Amérique profonde où règnent les non-dits et la loi du plus fort. Tous ces personnages finalement sont des marginaux, Mildred est une mère en colère et qui se fiche de sa réputation, Dixon un jeune officier de police incapable de penser par lui-même Willoughby un shérif en phase terminal dont la ville qu’il est censé protéger peut sombrer dans le chaos à tout instant. C’est de cela que parle aussi le film, comment nos actes se répercutent sur notre entourage et comment les codes moraux et sociaux se renversent dès lors que l’on sort du rang.
Dire que le film est le fruit d’une écriture habile et riche en détails est un euphémisme tant 3 Billboards aborde parfaitement tout ce dont il a envie de parler. Ajoutez à cela de l’émotion bien sûr, cette dernière a toute sa place et certaines séquences sont d’ailleurs magistrales sur ce point. L’exemple parfait avec la scène de la biche, que l’on a déjà vu un milliard de fois mais qui fonctionne ici parfaitement contre toute-attente. Martin McDonagh possède aussi un vrai sens de la mise en scène. Si il sait parfaitement filmer son actrice principale pour la rendre plus touchante ou menaçante grâce à des contre-plongées bien placées, il sait aussi offrir des cadres magnifiques. Sublimant les étendues vertes et boisées de la Caroline du Nord pour rendre à l’écran un Missouri fantasmé et secret. A cela s’ajoutent les compositions de Carter Burwell, venant donner le ton et l’énergie à l’ensemble.
Quant aux prestations, car il faut les souligner : toutes sont excellentes. Si Frances McDormand est très à l’aise dans le rôle et compose habilement son jeu pour rendre Mildred aussi féroce que touchante, Sam Rockwell n’est pas en reste non plus. Pourtant pas fan de l’acteur, je lui ai trouvé ici une vraie singularité dans la manière de jouer ce flic benêt et violent, l’acteur est impeccable et véhicule autant le rejet que la compassion, ce qui n’est pas rien ! Woody Harrelson lui est plus en retrait mais pas moins convaincant pour autant, l’acteur s’avère très attachant dans le rôle du père de famille, bien plus qu’en celui de shérif. Il faut aussi souligner la prestation de Lucas Hedge dans le rôle de Robbie, le fils de Mildred. L’acteur est impeccable et tout en retenue, ce genre de personnage de l’ombre qui a toute son importance dans l’émotion de l’ensemble.
En fin de compte 3 Billboards, les panneaux de la vengeance est un film mutant qui touche à tout, mais qui réussi tout également. Une comédie où l’on pleure, un drame où l’on rit et sans aucun doute un film dont on ressort ébloui.
Ma note : 8,5/10