Critique de « Annihilation » par E-Stark
« Ça ne détruisait pas, ça créait quelque chose de nouveau. »
Natalie Portman – « Annihilation » d’Alex Garland (2018)
Marquant en 2015 un petit bond dans le genre du film d’anticipation et de science-fiction avec Ex Machina (bien que ce dernier m’ait déçu), Alex Garland revient en 2018 avec Annihilation, un film ô combien intrigant …
Qu’on se le dise d’emblée, Annihilation n’est pas un film facile à aborder. Ne cherchant ni à se faire comprendre ni à nous donner des pistes claires, le scénario peut facilement rebuter. Pourtant il serait terriblement dommage de ne pas se laisser porter par l’oeuvre tant cette dernière regorge de niveaux de lecture. Annihilation nous parle d’autodestruction sous divers angles. Celle du couple, l’environnement naturel, mais aussi tout ce que la vie apporte de plus funeste, décès et pathologies diverses. C’est à mon humble avis le coeur du film, mais autour de ce thème principal gravitent d’autres sujets en lien directement ou non avec l’autodestruction : le deuil, la dépression, la dépendance, la reconnaissance entre autre. Seulement à l’instar de l’Area X où la science n’est presque plus valable tant tout ce que l’on croit pouvoir expliquer est finalement rayé comme une donnée erronée, le scénario ne nous impose pas un schéma explicatif, c’est à chacun de trouver des réponses aux questions que pose le film. En outre il faut aussi avoir conscience que Lena (parfaitement interprétée par Natalie Portman) raconte ce qu’elle veut de son expérience dans l’Area X. Tout ceci n’est peut-être pas vrai, peut-être le phénomène est-il explicable autrement. Encore des questions.
Mais notons tout de même que si le scénario d’Annihilation est une force, c’est aussi une faiblesse puisqu’il prend le risque de laisser sur la touche bon nombre de spectateurs. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il n’est pas sorti en salle en Europe mais seulement sur Netflix, après une carrière Américaine tiède. Un film troublant et compliqué. Néanmoins il faut souligner toute la puissance visuelle et technique d’Alex Garland qui signe ici une oeuvre singulière. Le film est d’une beauté à couper le souffle. La photographie et les couleurs ont bénéficié d’un soi tout particulier et la mise en scène de Garland fait le reste. Le réalisateur sait composer un cadre et tenir sa caméra c’est certain. Le film jouit d’une ambiance visuelle fascinante, mais aussi angoissante, cet environnement où règnent les anomalies ne ressemble à aucun autre, un mélange de beauté et d’aberration. La bande-originale quant à elle, signée Geoff Barrow et Ben Salisbury vient parfaire cet ensemble grâce à des compositions troublantes et anxiogènes.
Il reste donc le casting où Natalie Portman rayonne de mille feux, sûrement son meilleur rôle depuis Black Swan en 2011. Jennifer Jason Leigh elle aussi est très juste dans un rôle finalement assez compliqué. Tessa Thompson et Tuva Novotny s’en sortent très bien, tout comme Oscar Isaac qui campe un rôle plus en retenue qu’à son habitude. J’ai en revanche quelques réserves sur Gina Rodriguez qui peine à être juste et souvent dans la surenchère.
Annihilation est un film compliqué mais fascinant, le genre de long-métrage qui se mérite et qui demande à son public de se laisser porter. Troublant mais fort.
Ma note : 8/10