Critique de « Kubo et l’Armure Magique » par E-Stark
« Accepte ton héritage Kubo, donnes une fin heureuse à ton histoire. »
Ralph Fiennes – « Kubo et l’Armure Magique » de Travis Knight (2016)
Une jeune femme luttant contre la marée sur une jonque, soudain la vague puis plus rien. La plage froide et dure, les pleurs d’un nourrisson : Kubo.
Il s’agit d’un conte, d’une fable, c’est l’histoire d’un petit garçon qui veille sur sa mère. Un petit garçon dont l’enfance passe bien trop vite et qui pour rêver un peu et survivre, raconte des histoires qu’il tient de sa mère lors de ses rares instants de lucidité. Kubo n’a plus qu’un œil, c’est son grand-père qui lui a volé, mais avec l’œil qu’il lui reste Kubo voit le monde à sa manière et son histoire parce qu’il la raconte avant de la vivre, est éternelle car d’autres après lui la raconteront.
Travis Knight s’attache à mettre en scène avec Kubo et l’Armure Magique un conte en grande partie en stop-motion, en grande partie car la technique est combinée à de l’animation digitale et de la 2D. Si la technique est artisanale elle n’en n’est pas moins fabuleuse. L’effort se sent sur chaque image et sur chaque plan, que le réalisateur fait durer malgré toute la complexité que cela implique. La fluidité de l’animation est déconcertante et nous assène à la figure le travail de titan des animateurs.
Mais finalement ne s’agit-il pas ici à la fois de la force et de la faiblesse du film ? En effet si le stop-motion est bluffant c’est surtout parce qu’il est très fluide, à tel point qu’on pourrait croire qu’il ne s’agit que d’effets numériques. Si bien que l’on en vient à se poser la question quant à l’intérêt de faire du stop-motion pour que cela ressemble à du numérique. Néanmoins il s’agit bien-là du seul point noir du long-métrage, un point qui d’ailleurs n’évoque qu’un constat, car quand bien même cette animation particulière pourrait évoquer le simple dispositif, elle n’en demeure pas moins somptueuse.
Soulignons également que le stop-motion est totalement au service de l’histoire et de la direction artistique. Les origamis, les kimonos, le luth shamisen qui donne vie aux histoires du petit garçon, et bien entendu la cérémonie des ancêtres, tout est là pour évoquer un Japon fantasmé proche des contes européens avec leurs forêts profondes et leurs montagnes glacées. Le film ne tend pas vraiment à représenter une culture mais plutôt à la rendre émouvante en y insufflant de la magie.
La magie est au cœur du récit de Kubo et l’Armure Magique, elle régie tout ce qui compose cet univers et son histoire. Kubo lui-même étant un magicien, sa mère étant magicienne et son grand-père un sorcier aveugle à la magie terrestre, belle, chaleureuse et désintéressée. Les personnages sont attachants, classiques il est vrai et au cœur d’un récit qui l’est tout autant. Mais si l’histoire de Kubo n’est en effet pas d’une grande originalité, il serait dommage de ne la résumer qu’à cela tant elle s’attarde à mettre l’accent sur des thématiques fortes. Si Kubo est une œuvre somptueuse où se côtoient magie et musique, on y parle aussi de deuil, de souffrance physique et psychique, mais aussi de meurtres familiaux, rien que ça. Bien entendu tout cela dans un film d’animation américain, dont le cinéma est réputé pour être le plus aseptisé qui soit.
Kubo et l’Armure Magique est une véritable surprise, un film d’animation hors-norme mais magnifique qui laisse autant de place à l’émotion qu’à la mise en avant de thématiques fortes, tout cela évidemment dans un pur objet de divertissement familial. Un film d’animation en dehors des productions Disney comme on aimerait en voir plus souvent.
Ma note : 8/10