Critique de « Le Roi » par E-Stark
« Rompus à l’art de la guerre. »
Timothée Chalamet en Henri V au sujet de ses conseillers. – « Le Roi » de David Michôd (2019)
David Michôd signe Le Roi une adaptation de la pièce de Shakspeare, cependant bien au-delà du travail d’adaptation Michôd met ici en scène un film historique fort et audacieux.
Timothée Chalamet prête ses traits à Hal, le futur Henri V d’Angleterre. Le jeune acteur s’en sort admirablement puisqu’il parvient à incarner avec autant de force que de sensibilité toutes les facettes de ce roi différent et finalement moderne dans le contexte de son époque. Pourquoi parler de l’acteur principal en premier lieu d’une critique ? Parce qu’il porte le film sur ses épaules tout simplement, et cette performance est remarquable, permettant à Chalamet d’exploiter tout son potentiel de composition, chose que l’on ne faisait que soupçonner jusqu’ici malgré des rôles marquants comme celui d’Elio chez Luca Guadagnino.
Le scénario grâce à son écriture fine et habile, sait parfaitement raconter les affres de la royauté, dès lors qu’elle n’est pas souhaitée dans le cas particulier de cette histoire. La caractérisation du personnage d’Henri V en fait un prétendant au trône en total inadéquation avec l’héritage de son père d’une part, et de l’autre avec son temps. Henri V ne souhaite pas bêtement appuyer son nouveau pouvoir de monarque, il veut s’imposer comme l’instigateur de changements en oeuvrant pour la paix. Une paix qui passera irrévocablement par la guerre. Le scénario parle d’un monde et d’un système contrasté, faisant sans cesse des liens habiles avec notre société contemporaine, mais là où l’écriture tire sa force c’est justement dans sa capacité à exploiter les divers contrastes de cette histoire, il n’y a pas de manichéisme ici, simplement des jeux de pouvoir, rappelant parfois une série télévisée bien connue.
Le ton et la mise en scène viennent s’accorder avec l’écriture. Le film ne manque jamais d’impressionner, notamment dans les séquences d’action bien sûr mais surtout dans les scènes de dialogues. Ces derniers sonnent justes et sont pour la plupart très savoureux. Le film joui ici d’une narration simple mais redoutable puisqu’elle pose les enjeux au fur et à mesure tout en prenant le temps d’en exposer chaque paramètre. Henri V peut devenir un « bon » roi aimé de son peuple, mais il se refuse à guerroyer inutilement. La dernière demi-heure du film s’avère très efficace sur ce point puisqu’elle nous amène doucement mais subtilement vers un climax qui prend tout son sens et qui résulte de cette narration fine, jamais avaricieuse en éléments clés sans que ces derniers n’entachent les séquences dans lesquelles ils sont dévoilés. Le casting quant à lui est remarquable, Robert Pattinson qui prend l’accent français est assez risible au premier abord mais l’acteur s’en sort finalement très bien. Idem pour Joel Egerton, juste et nuancé.
Le Roi est un film historique singulier, visuellement superbe grâce à une photographie léchée. Mais par-dessus tout il s’avère être une belle démonstration d’écriture. A voir, d’autant plus que c’est produit par Netflix, alors pour une fois que c’est convaincant !