Critique de « Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl » par E-Stark
« Trinquons mes jolies Yo Ho ! »
Johnny Depp – « Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl » de Gore Verbinski (2003)
C’était un pari risqué pour Disney, pourtant épaulé par le producteur à succès Jerry Bruckheimer. En effet si la firme aux grandes oreilles utilise depuis près de soixante-dix ans ses nombreux succès cinématographiques pour les porter en attractions dans leurs différents parcs à travers le globe, Pirates des Caraïbes fait le chemin inverse. Coup de poker.
La Malédiction du Black Pearl se présente comme un film d’aventure prenant son inspiration dans l’une des plus célèbres attractions des parcs Disneyland : Pirates of Caribbean. Pour porter cela au cinéma il fallait écrire une toute nouvelle histoire, car celle du parcours scénique est évidemment trop légère, on n’écrit pas la trame d’une attraction comme le scénario d’un film c’est évident. C’est principalement ainsi que vont naître les personnages cultes de la franchise, Jack Sparrow en tête.
Ne faisant finalement que reprendre certains éléments narratifs de l’attraction (le chien avec la clé dans les cachots, l’attaque des pirates sur le fort, ou bien encore la fameuse taverne de Tortuga), le film de Gore Verbinski s’avère être une plaisante aventure qui remet à la fois les pendules à l’heure dans le genre des films de pirates, et qui est en plus pourvue d’un univers suffisamment riche pour être exploitable par la suite en cas de succès. Tout est réglé comme du papier à musique. Verbinski en bon conteur d’histoire nous présente ses forbans comme des hommes libres avant tout, en cela le film possède un vrai sous-texte quant à la piraterie elle-même. Est-ce que l’on a la piraterie dans le sang comme aime le rappeler Sparrow ? Ou bien est-ce que l’on devient pirate par la force des choses ?
Bien sûr il ne s’agit pas de la vision principale qu’il faut avoir du film, ce dernier étant surtout conçu pour divertir, mais il n’empêche que ce sous-texte est bien présent. A vrai dire l’une des forces du film réside dans sa grande capacité de narration. Verbinski est un conteur, mais un conteur visuel si bien que la mise en scène raconte l’histoire, bien au-delà des actions des personnages. Une scène anodine ne l’est finalement pas tant que cela, car elle regorge de détails qui nous amène vers la suivante, tout le film est comme cela. Will Turner est sûrement le personnage qui évolue le plus tout au long du film, et par ailleurs il représente bien tout ce que la trame raconte en surface mais aussi en profondeur. C’est au départ un jeune forgeron épris d’une belle noble, mais qui sait pertinemment qu’il n’a aucune chance face à l’homme qui convoite la belle. Par la force des choses il va lui aussi prendre un autre chemin, à l’image de Jack Sparrow et d’Hector Barbossa, pour arriver à ses fins. La narration du film est simple mais efficace, c’est d’ailleurs tout ce qu’on lui demande et pourtant elle recèle quelques bonnes surprises inattendues.
Au-delà de la narration bien sûr, le film est un pur divertissement. Mélange habile de prises de vues réelles et de personnages en numérique, cette aventure gagne en rythme et en énergie grâce à une mise en scène exemplaire et parfaitement orchestrée. La musique vient aussi rehausser le ton, elle est d’ailleurs culte aujourd’hui. Bien souvent Pirates des Caraïbes nous rappelle le cinéma d’autrefois, les grandes fresques éternelles du cinéma Hollywoodien où l’on sentait le budget sur chaque image. Ici il s’agit de faire un blockbuster de pirates aussi divertissant que beau, et le film est souvent empreint d’ailleurs d’onirisme, ne serait-ce que pour les décors naturels, toujours sublimés par la caméra. Mais ce qu’il faut retenir également c’est cette surprenante facilité à faire du grand spectacle à partir de rien. L’évasion de Jack Sparrow au début du film en est la preuve, cette scène n’aurait pu se résumer qu’à un court passage, alors qu’elle est magnifiée par la mise en scène et cette volonté non-dissimulée de vouloir en mettre plein la vue. Pourtant aussi surprenant que cela puisse paraître, le film ne verse pas dans la surenchère, au contraire il s’avère généreux. Visuellement évidemment, mais aussi en terme d’humour.
Si Jack Sparrow est un sketch à lui tout seul, c’est surtout grâce à l’interprétation sans faille de Johnny Depp qui insuffle à son personnage une vraie énergie et une vraie folie. Beaucoup lui reprochent ce rôle aujourd’hui, mais il a pourtant permis à l’acteur de s’émanciper. Orlando Bloom quant à lui troque son arc et ses flèches de Legolas contre un rôle plus léger, et cela lui va comme un gant, à l’image d’ailleurs de Keira Knightley, très à l’aise dans les films d’époque, elle brille ici par son jeu aussi fin que drôle. Évidemment il est impossible de faire l’impasse sur l’excellent Geoffrey Rush qui compose ici un méchant drôle, sarcastique et inquiétant. Le Capitaine Barbossa est un super personnage de blockbuster.
Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl aurait pu se vautrer complètement sur tout ce qu’il entreprenait de faire. Mais le challenge est relevé haut la main. C’est drôle, divertissant, pas aussi crétin que l’on veut bien le faire croire et indéniablement fédérateur. Les pirates se remettent en chasse et ils font mains basses !
Ma note : 8,5/10