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Critique de « Star Wars Episode VIII : Les Derniers Jedi » par E-Stark

« Laisse mourir le passé, tue-le s’il le faut. »

Adam Driver – « Star Wars : Les Derniers Jedi » de Rian Johnson (2017)

Alors que J.J. Abrams ramenait Star Wars sur le devant de la scène en 2015 avec Le Réveil de la Force, dans un déferlement de réactions de toutes sortes de la part des fans, Rian Johnson devait en 2017 avec Les Derniers Jedi à la fois offrir une suite cohérente et amener les puristes de la saga à ressortir de la salle avec une meilleure impression que celle laissée par l’épisode précédent.

[Je vais spoiler et je m’en excuse, je vous invite donc à découvrir le film avant de lire ce qui suit.]

Il y avait tout de même un beau challenge à relever lorsque l’on s’attaque à la suite d’un film aussi adulé que décrié, surtout au sein d’une franchise aussi fédératrice que l’est Star Wars. En effet si le film de J.J. Abrams s’avérait sympathique dans la forme et le fond, il faut bien avouer que sa narration et la plupart de ses partis pris nous rappelaient sans doute trop les meilleurs épisodes de la saga, là où il aurait pourtant dû se démarquer afin de poser les jalons d’une nouvelle trilogie. Néanmoins certaines questions restaient en suspend : Kylo Ren a-t’il vraiment terminé son apprentissage en tuant Han Solo ? Quelles sont les origines du Leader Suprême Snoke ? Qui sont les parents de Rey ? Quels destins pour Poe et Finn ? Que va-t’il advenir de Leïa après le décès de Carrie Fisher ? Et bien entendu le grand retour de Luke Skywalker. Rian Johnson avait donc la lourde tâche de répondre à tout cela et d’ailleurs une dernière question se posait : Les Derniers Jedi allait-il être conçu comme L’Empire Contre-Attaque ou Le Retour du Jedi, ou bien le réalisateur allait-il orienter son récit vers quelque chose d’inédit ?

Heureusement pour nous Johnson réalise un long-métrage plus singulier que son prédécesseur, bien que lui aussi respecte la mythologie en place et reprenne par conséquent certains arcs narratifs entamés par Abrams (pour mieux les clore parfois, mais nous y reviendrons). Les Derniers Jedi est assez inédit, dans ce qu’il raconte surtout. Alors que l’on s’attendait à des twists du genre : Kylo Ren va revenir vers la Lumière et Snoke sera le seul grand vilain de cette nouvelle trilogie. Mais il n’en n’est rien car Kylo s’impose, Snoke est déchu, Luke a des remords et Rey manque de peu de passer du côté Obscur. Tout un programme donc !

Tous les personnages qu’ils soient anciens ou nouveaux devaient évoluer dans cet épisode pour permettre à la saga de retrouver un nouveau souffle à travers cette nouvelle trilogie. Occasion manquée par Le Réveil de la Force en l’occurrence. Si le retour de Luke est indiscutablement l’un des temps forts du film, le personnage a considérablement changé depuis sa dernière apparition jeune dans Le Retour du Jedi. Rongé par les remords de ne pas avoir réussi à entraîner son neveu, Kylo, le maître Jedi semble presque aigri et vulnérable. Laissant donc la place pour développer Rey qui prend de l’importance ici en apprenant à manipuler la Force pour mieux faire face à son alter-égo Obscur : Kylo Ren. Leïa est une sacrée générale, capable elle aussi dans une mesure complètement différente et inédite de manipuler la Force, notamment lors d’une scène de résurrection qui déroute un peu. D’ailleurs le destin du personnage n’évolue pas plus au cours de l’épisode. Néanmoins le personnage qui n’avait pas forcément besoin de gagner en profondeur, trouve ici une place particulière et doit surtout passer le flambeau à Poe Dameron, le pilote de la rébellion. Ce dernier s’impose déjà comme le nouveau Han Solo auquel Oscar Isaac apporte beaucoup grâce à un jeu fin mais précis et juste, l’acteur est bien mieux exploité ici que dans l’opus précédent. Finn quant à lui peine toujours à trouver sa place dans tout cela et l’utilité de son personnage est une question qui commence sérieusement à devenir importante, car à vrai dire les grands pans de l’histoire n’ont pas vraiment besoin de lui pour exister, d’autant plus que John Boyega s’avère toujours aussi piètre acteur que dans le précédent volet. Difficile de faire l’impasse sur Snoke qui restera définitivement un mystère tant son destin ici est scellé rapidement. Comme le pion dont il fallait se débarrasser pour mieux aller de l’avant dans cette nouvelle trilogie, ce qui n’est pas si mal en fin de compte. Phasma elle, est inexistante quasiment, dommage pour Gwendolyne Christie que l’on aurait bien aimé voir affronter Daisy Ridley …

On appréciera aussi l’arrivée des nouveaux personnages comme Rose Tico et l’Amiral Amilyn Holdo. La première est une jeune mécanicienne qui va aider Finn dans une mission annexe, le personnage est sympathique et touchant, mais malheureusement lié aux histoires qui entourent Finn, donc sans grand intérêt pour l’histoire. Quant à Amilyn Holdo, incarnée par l’excellente Laura Dern, que l’on ne voit définitivement pas assez au cinéma, elle s’avère charismatique bien entendu mais ne semble là que comme un faire-valoir scénaristique. Néanmoins sa dernière scène est sûrement l’une des plus belles de la saga. Notons aussi l’apparition de DJ un mercenaire opportuniste qui finira par trahir Finn et Rose, le personnage est campé par Benicio Del Toro, malheureusement trop peu exploité ici.

Tous ces protagonistes évoluent au sein d’une histoire où le côté Obscur semble bien en passe de régner sans partage, ce qui est d’ailleurs intéressant car même les figures emblématiques de la saga laissent penser que s’en est vraiment fini des Jedi et des Sith. Car si c’est l’Obscurité qui est en passe de régner, il ne s’agit pas là d’un maître Sith et de son apprenti, Kylo Ren tue Snoke et prend donc le pouvoir pour faire table rase du passé et amener la galaxie vers un nouvel ordre sans Sith et sans Jedi. Ce qui donnerait un défis conséquent à relever pour Rey qui elle commence à maîtriser la Force. C’est sans compter aussi sur la République en passe de disparaître totalement, un défis pour Poe Dameron qui devra avec Rey reformer le rébellion afin de bousculer un nouvel ordre totalitaire. Les thématiques de Star Wars ne bougent pas, mais elles se modernisent un peu et on sent clairement les intentions de l’écriture qui tend à la fois à faire avancer l’ensemble, tout en ayant conscience de son héritage mythologique et en se tournant résolument vers l’avenir. Certes le détachement des grands axes qui ont fait le sel de la trilogie originale et de la prélogie, a de quoi dérouter et déplaire, mais il est important dans la mesure où il s’agit tout de même d’un huitième épisode qui doit se démarquer sous peine de n’avoir aucun intérêt sinon.

Côté technique on retombe dans tous les bons points de l’épisode VII, là où Abrams modernisait l’ensemble grâce à une technologie de pointe. Rian Johnson reprend la formule pour nous amener vers d’autres univers visuels. Ainsi le climax sur Crait est saisissant tant il foisonne de bonnes trouvailles, notamment les traces rougeâtres laissées sur le sel qui recouvre le sol de cette planète. On appréciera aussi l’utilisation judicieuse des décors naturels comme ceux de l’Islande pour l’île où s’est réfugié Luke. Quant aux créatures du bestiaire, elles sont ici assez nombreuses sans pour autant donner l’impression de ne servir qu’à vendre des figurines, ce qui est de toute façon dans l’ADN de la saga depuis sa création. Les Porgs ne sont pas les nouveaux Ewoks et tant mieux, ils apportent un peu de légèreté au récit finalement assez sombre, une petite troupe de créatures assez mignonnes et inoffensives qui n’ont finalement pas beaucoup de temps de présence à l’écran et c’est bien ainsi. Les Vulptex eux sont des renards luisants car recouverts de cristaux, pour le coup ils auront une plus grande incidence sur le récit, en plus d’être bien réalisées, ces créatures sont belles et pures. Parce que dans le fond c’est aussi ce que l’on aime dans Star Wars, tous les petits à côté et notamment le bestiaire. Côté belles trouvailles visuelles il est difficile de ne pas parler de la salle d’audience de Snoke, la dominance du rouge et la garde rapprochée du Leader offrent un effet des plus réussis.

Le montage quant à lui souffre parfois d’un rythme un peu décousu, c’est sûrement d’ailleurs ce qui pêche le plus dans Les Derniers Jedi. Le film commence sur les chapeaux de roues, peine à redécoller dans son segment central et offre un climax aussi fort qu’intense. Ce ne sont pourtant pas les bonnes intentions qui manquent de la part de Rian Johnson pour structurer son récit. Ce dernier allie avec justesse et habilité les temps forts lors des scènes de grand spectacle et les moments plus intimistes pour approfondir les personnages. Ainsi certaines scènes comme le sacrifice d’Amilyn Holdo offrent quelques une des plus belles séquences de la saga. Johnson sait filmer ces personnages, il sait capter les regards et les expressions pour mieux nouer tout cela au grandiose, dans lequel il distille aussi le soupçon de dramaturgie qu’il faut. Le tout est accompagné par la bande-originale de John Williams, toujours en forme et qui reprend les grands thèmes de la saga tout en en apportant de nouveaux.

Ainsi donc Les Derniers Jedi est un Star Wars singulier et captivant car le fruit d’intentions bien différentes que celles qui avaient fait naître son prédécesseur. Rian Johnson donne un coup de pied dans la fourmilière et propose un défis de taille à J.J. Abrams pour l’épisode IX. Une très bonne surprise !

Ma note : 8,5/10

Cinéphile parfois cinéphage, j'aime écrire et lire des critiques. Je voue un véritable culte à Terrence Malick et Tim Burton, mais je suis d'une manière générale assez éclectique en matière de cinéma. Bonne lecture ... ou pas !

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