Critique de « The Neon Demon » par Quentin
Poupée d’égocentrisme entourée de hyènes affamées, Jesse porte en elle la douce noirceur du dernier souffle de l’adolescence. Envolée l’innocence, envolés les sourires glacés, l’héroïne du nouveau long métrage de Nicolas Winding Refn est un composé de complexité, dont Elle Fanning (Super 8, Maléfique, Somewhere, …), son interprète, se délecte sans retenue. Monstre de charisme, grâce de tous les instants, l’actrice âgée de dix-huit ans impressionne tant elle a déjà tout d’une grande. Jesse est peut être le meilleur personnage créé par l’artiste à ce jour, chacune des ses apparitions irradie l’écran. Sublimée par la caméra du metteur en scène danois, la jeune femme avance lentement vers la lumière, celle du succès ou de son déclin immédiat, les néons du démon. Fort d’un propos à la portée terrifiante de vérité, le long métrage est moins la satyre d’un monde en plastique que le témoin de notre société empêtrée dans sa course à la perfection. Prétexte à la pertinente autopsie de son propre cinéma, l’univers de la mode qui est la toile de fond du long métrage, est exploré avec élégance par un Nicolas Winding Refn plus en forme que jamais, dynamitant une fois de plus les frontières du politiquement correct, exposant des portraits de femmes tortueux, tous d’une richesse inouïe. Pamphlet enragé à la gloire de la femme, thriller nerveux saupoudré de paillettes ensanglantées et film horrifique assumé dans son dernier acte glaçant de beauté, The Neon Demon s’impose comme l’oeuvre la plus forte du cinéaste. On sent qu’il n’a plus rien à prouver, que son cinéma n’appartient qu’à lui, et voir un metteur en scène en capacité d’aller jusqu’au bout de son art, bon sang que c’est beau !
La bande originale assurée par Cliff Martinez est d’une classe incroyable, mélange de morceaux intimistes et bouleversants, le compositeur s’affirme comme l’un des meilleurs de la décennie. Aux côtés d’Elle Fanning, on retrouve l’exquise Jena Malone (Johanna dans la saga The Hunger Games, Sucker Punch). D’abord figure bienveillante dans cet océan machiavélique auquel la protagoniste est confrontée, le personnage qu’elle incarne s’avère au final être une merveille d’écriture et de profondeur, porté par la précision du jeu de l’actrice américaine qui n’a jamais été aussi juste que sous la caméra du réalisateur de Drive. De l’autre côté du miroir, Abbey Lee incarne l’ange déchu. Personnage le plus infâme du récit, Sarah est pourtant celui qui est le plus humain, succombant au final à une haine outrancière et dévorante, tristement synonyme de son salut. L’actrice qu’on avait déjà pu remarquer dans l’époustouflant Mad Max – Fury Road sorti l’année dernière est clairement « la » révélation du long métrage. Glaciale et envoûtante, je n’aurais de cesse de la tarir d’éloges tant son jeu et le personnage qu’elle incarne m’ont ébloui. La dernière des trois parques incarne l’Envie, vénus en quête de beauté éternelle, impeccablement interprétée par Bella Heathcote, rôle principal du Dark Shadows de Tim Burton en 2012.
Exhaustif dans une démesure diablement bien maîtrisée, ce dixième opus de l’oeuvre de Nicolas Winding Refn est à mes yeux son film ultime, un testament délicatement ciselé traitant avec intelligence toute la beauté de la violence. Car si ce n’est pas dans les poings qu’elle s’exprime, c’est dans les talons hauts, et elle n’en est que plus efficace. Plus que l’exercice de style auquel elle pouvait prétendre, The Neon Demon est une oeuvre à la beauté esthétique magnifiée de toutes parts, les couteaux deviennent des regards perçants, les sourires deviennent des armes de destruction massive, et le cinéaste atteint l’apothéose. Chef d’oeuvre.
Quentin
« The Neon Demon » de Nicolas Winding Refn, sorti le 08 juin 2016 dans les salles françaises, avec notamment Elle Fanning, Jena Malone, Abbey Lee, Bella Heathcote, …
Synopsis : * Interdit aux moins de 12 ans * Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.
Point B. O. –>
- Musique originale « Waving Goodbye » par Sia, présente au générique de fin : https://www.youtube.com/watch?v=CeB3yfBobik
- Thème musical du long métrage par Julian Winding, « The Demon Dance » : https://www.youtube.com/watch?v=OvUJsu5w8IU