Critique de Us de Jordan Peele, par Anne-Laure
Get Out, précédent film de Jordan Peele sorti en 2018, avait fortement marqué les esprits. Qu’il ait plu ou non, le film étonnait par son scénario (qui fut d’ailleurs récompensé d’un Oscar) ou par la manière de traiter son sujet.
Le cinéaste revient cette année avec un film que l’on pourrait qualifier de « plus classique » dans le domaine du cinéma d’horreur, surfant à la fois sur le Home Invasion, sur le Survival et sur la thématique, souvent explorée, du double.
De retour dans sa maison d’enfance, Adelaïde Wilson et sa famille sont prêts à passer d’excellentes vacances… jusqu’à ce qu’un évènement traumatisant, qu’elle a vécu il y a bien longtemps non loin de là, refasse surface. Une nuit, la famille découvre quatre personnes immobiles, devant leur maison. Ils leur ressemblent énormément et leurs intentions ne semblent pas des plus honorables…
Jordan Peele parvient, avec cette nouvelle réalisation, à créer une ambiance angoissante en crescendo, où l’on se méfie de tout et de tous, où l’on ne sait jamais ce qui pourrait arriver. Les actrices et acteurs réalisent d’excellentes prestations, qu’ils soient « eux-mêmes » ou leur double. Le montage, souvent alterné, offre plusieurs scènes à la fois étonnantes, effrayantes et extrêmement réussies.
Les jeux d’images et de significations que permet la thématique du double sont multiples et il faudrait certainement plus d’un visionnage pour tous les déceler, en eux-mêmes ou dans leurs implications. Au-delà des doubles précisément, l’on verra notamment : les ombres sur la plage, le masque qui cache autant qu’il duplique, les reflets de miroir, en tous points pareils… mais inversés, les dates, les heures qui se répètent, les tours jumelles, la gémellité plus globalement et ce fameux rappel d’un verset de Jérémie 11-11 annonçant une catastrophe : « C’est pourquoi ainsi parle l’Eternel: Voici, je vais faire venir sur eux des malheurs Dont ils ne pourront se délivrer. Ils crieront vers moi, Et je ne les écouterai pas. », grandement évocateur.
« Us », signifiant à la fois « nous » et « Etats-Unis », en explorant les thématiques de la peur et du double, étudie le rapport que les Humains entretiennent vis-à-vis d’eux-mêmes, et des autres. Ces « autres » qui, de plus, sont ici eux-mêmes. Le film s’ouvre sur un programme télévisé parlant d’une « chaîne humaine contre la faim » traversant les USA, et des tours jumelles dans les années 1970. Ainsi, Jordan Peele met en regard un évènement passé se voulant bienveillant (la chaîne), et un élément (les tours) du passé dont on connaît aujourd’hui la fin, et les implications et retombées mortelles… et mondiales. Il formule ainsi, à l’instar de Get Out, tout en s’en distanciant, une critique de la société, de ses paradoxes, de la peur et de la haine qu’elle entraîne bien souvent.
On regrettera, malheureusement, quelques incohérences scénaristiques qui gâchent quelque peu le propos et ses symboliques. A trop vouloir en faire, en multipliant les retournements de situations et les « indices », Jordan Peele introduit dans son histoire des éléments qui se contredisent. Si cela n’affecte pas réellement la totalité du film, il diminue sa puissance en l’orientant dans trop de directions en même temps et lui perdre sa cohérence.