Swiss Army Man, la mort : un souffle de vie.
» S’il te plaît, ne meurs pas ! » – Hank (Paul Dano)
Voici la première ligne de dialogue de Swiss Army Man et c’est en toute simplicité qu’elle dévoile l’intérêt du film, bien qu’on ne le comprenne qu’après l’avoir visionné dans son entier. A première vue, l’on pourrait dire que c’est un film sur la mort, l’introduction donne le topo : un suicidaire rencontre un homme déjà mort ramené nonchalamment par les flots et qui s’échoue sur une plage…comme un cadavre. Et pourtant ! C’est tout le contraire qui apparaît ensuite, et ce jusqu’à la fin, dans une épopée pour le moins étonnante et même – il faut le dire – carrément rocambolesque. Laissez-moi vous raconter l’histoire de Hank et du cadavre qui s’appelait Manny.
Comme l’indique Sarah (Mary Elizabeth Winstead) de cette façon formidablement poétique, il faut le voir pour le croire. Derrière ce Seul au monde revisité, il est un message qui aborde les principaux problèmes à propos desquels nous sommes tous confrontés à un moment donné de notre vie (oui, même toi.). Et le film de Dan Kwan et Daniel Scheinert est une bien captivante façon de les exorciser.
Hank est un homme qui se sent infiniment seul, subi un mal-être qui le ronge et a un mal fou à interagir avec le reste du monde qu’il s’agisse de sombres inconnus ou de sa famille. Ce sont ces sentiments destructeurs qui l’amènent à tenter de commettre l’irréparable. Et alors que tout devrait finir, c’est en fait le début puisque c’est un mort qui l’empêche de mourir et qui comble ce qui manquait désespérément à notre personnage principal (mais non c’est pas bizarre). Hank noue rapidement une relation amicale forte avec Manny, le cadavre dont les traits sont animés par Hank dans l’histoire et par Daniel Radcliffe pour les besoins du film. L’on pourrait croire que jouer le rôle d’un trépassé est la chose la plus simple à exécuter, mais dans le cas précis, il s’agit d’un cadavre animé ! Et c’est là toute une mission : paraître mort tout en étant (un peu) vivant… L’acteur britannique livre ici une belle performance d’autant qu’il a déclaré avoir particulièrement apprécié ce travail : « Si je devais brûler toutes les scènes que j’ai tourné dans ma carrière et n’en garder qu’une, ce serait la scène du bus dans Swiss Army Man, ce sont les meilleures six minutes que j’ai vécu à l’écran » a-t-il déclaré au journal anglais The Guardians. C’est en effet l’un des passages les plus puissants du film dans la mesure où c’est un moment charnière : Manny et Hank se motivent mutuellement pour modifier ce qui cloche dans leur vie, c’est là une bouffée d’optimisme à laquelle on ne s’attend pas, et cela sonnerait presque comme une stimulation destinée au spectateur. De telle façon, qu’en la visionnant on a envie de se bouger le séant pour changer ces petits troubles qui gênent notre quotidien, comme ceux de Hank. A partir de cette scène, il s’agit non plus de supporter la vie comme une sorte d’obligation, une tâche que l’on n’a pas le choix d’exécuter mais de se rendre compte de la chance que l’on a d’avoir un cœur qui bat chaque seconde dans notre poitrine, un cerveau qui déploie des trésors d’efforts pour avoir de la suite dans les idées et nous faire ressentir mille et une émotions intenses et douces. Il n’est plus question de survivre, mais bel et bien de (re)vivre, et ce sont réellement deux choses très différentes.
Vous l’aurez compris, le film des Dan’ est une sorte d’oxymore cinématographique doublé d’une extravagance rarement vue sur grand écran. Je vous fais la surprise de l’élément le plus cocasse du film (quoique deux minutes de surf sur internet suffisent pour le découvrir) qui symbolise la bouffée d’oxygène que représente Swiss Army Man dans votre journée. Ce souffle nous fait oublier que Manny n’est rien de plus qu’une marionnette de chair malléable d’une pétulance unique qu’il transmet à Hank, qu’il nous transmet. Finalement que ce soit la nôtre ou celle des autres, on est tous attaché à la vie, même lorsqu’elle s’est échappée ou que nous la rejetons jusqu’à ce que des flots l’offre à qui sait s’en saisir.
En bref, c’est bien plus qu’un film, c’est la vie révélée au travers de la mort… Et dans le fond, c’est d’une logique implacable. C’est la plus belle et la plus extraordinaire aventure qu’il puisse être, alors découvrez-la vite, tant le film que celle qui vous est propre !