Critique de « Le Mépris » par Axel
Le film méta sur la cinéphilie
Quand on souhaite s’attaquer à la filmographie d’un cinéaste aussi influant que Jean Luc Godard il faut, en tant que jeune cinéphile, savoir où l’on met les pieds et surtout savoir par où commencer. Godard, quoi qu’on puisse penser de sa personne, a clairement changé le monde et l’industrie cinématographique dans les années 60 avec quelques-uns de ses amis critiques de la revue « Cahier du Cinéma » (François Truffaut et Claude Chabrol pour ne citer que les plus connus) en réalisant des films tels que « À bout de souffle » (Godard) et « Les Quatre Cents Coups » (Truffaut) ils démarrent un mouvement cinématographique mieux connu sous le nom de « Nouvelle Vague ». C’est en pleine effervescence de la Nouvelle Vague Française, que Godard réalise en 1963 « Le Mépris » qui je pense est un de ses meilleur film (avec « À bout de souffle »), permettant de découvrir et de rentrer en douceur dans l’univers du cinéphile cinéaste qu’est Jean Luc Godard.
Etant plutôt familier avec ses films, je dois reconnaitre que « Le Mépris » reste pour l’instant mon préféré du réalisateur, mettant en vedette Michel Piccoli, un immense acteur Français que ce soit de théâtre ou de cinéma il a travaillé avec les plus grands (Luis Buñuel, Alfred Hitchcock, Claude Chabrol…) c’est grâce à ce film qu’il a pu se faire connaitre du grand public, dans lequel il joue le rôle d’un scénariste venu à la rescousse sur une production d’un film de Fritz Lang (et oui Fritz Lang joue dans le film, et il joue même très bien) nommé « Ulysse » qui est une adaptation de l’Odyssée. Paul Javal (Michel Piccoli) est accompagné par la ravissante Brigitte Bardot interprétant le rôle de son épouse, Camille, qui après un malentendu avec son mari, va commencer à douter de sa loyauté. Je ne veux pas trop vous dévoiler le film pour des raisons évidentes, mais sachez qu’après une balade en voiture entre Camille et le producteur Américain du film rien ne sera plus jamais comme avant. La musique du film est composée par Georges Delerue et s’avère être une des plus belles musique qu’il m’est été donné d’écouter depuis un très long moment, rare ont été les bandes originales qui m’ont autant donner cette impression de voyager et d’être transporté, rien que pour sa bande originale de qualité et d’une maîtrise incroyable, ce film mérite déjà votre attention.
La réalisation de Jean Luc Godard est tout simplement hallucinante, et tient toujours la route en 2015, sa marque de fabrique étant de ne pas se limiter aux conventions classiques de réalisation mais plutôt d’innover en essayant et en utilisant de nouvelles techniques de montage, des cadrages inédits pour donner plus de sens au récit et en jouant habilement avec le son et les différentes façons de le percevoir au cinéma. Ici nous retrouvons tout ça et bien plus encore pour notre plus grand plaisir de cinéphile, en étant transporté pendant à peu près 1h40 dans un film magistralement filmé, et rempli à ras bord de trouvailles visuelles, sonores et scénaristiques. La réalisation a encore plus de sens dans ce film car comme il s’agit d’un film parlant de cinéma, nous sommes constamment déconcerté et surpris par la façon avec laquelle Jean Luc Goddard joue avec le spectateur, en l’obligeant à voir la façon dont il perçoit un film différemment selon son histoire personnelle, ses désirs et ses craintes, et je pense qu’il n’y a pas meilleur exemple pour prouver ceci, que la phrase prononcée au début du film quand la caméra est pointé vers le spectateur qui annonce déjà la couleur.
« Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs. »
André Bazin
Mais il n’y a pas que la réalisation qui est excellente, le scénario et ses sous textes sont des plus intéressants, le film que Fritz Lang tourne « Ulysse » est sur le retour de Ulysse à Ithaque pour rejoindre Pénélope, alors que le scénariste doit réécrire le scénario, le voyage d’Ulysse pour retrouver sa belle et tendre, se retrouve être une histoire parallèle à sa vie personnelle quand après un malentendu avec sa femme et une balade en voiture entre le producteur et celle-ci dont on ne sait rien, elle ne sera plus la même allant jusqu’à annoncer qu’elle ne l’aime plus et même pire qu’elle le Méprise, de là, il va tenter de recoller les pièces et de découvrir ce qui a pu se passer pendant cette balade en voiture, pour pouvoir retrouver la femme qu’il aime. Les dialogues sont géniaux et passionnants, nous scotchant à l’écran par envie de découvrir la suite de l’intrigue, pourtant ils restent toujours banals et semble même parfois anecdotiques mais comme dans les films de Tarantino (si vous êtes fan de l’art des dialogues chez Tarantino, regardez les films de la nouvelle vague et surtout celui-ci qui sont une énorme source d’inspiration pour lui) la tension monte continuellement jusqu’au climax final qui vous fera, comme il m’a fait, froid dans le dos.
Il est encore plus intéressant de voir que le film critique beaucoup les producteurs, qui prennent un contrôle artistique sur une œuvre cinématographique, en ne prenant pas compte de la vision du metteur en scène dans le film Fritz Lang, et ici on trouve encore un parallèle avec l’histoire de production du film durant lequel Jean Luc Godard a eu beaucoup de problèmes avec son producteur Américain, le problème le plus connu étant que la première version n’ayant pas plu aux producteurs Américain car aux yeux des producteurs, et Brigitte Bardot étant un atout majeur du film selon eux, il était inacceptable que le film ne contienne aucune scènes de nu de l’actrice et là je cite le producteur Sam Levine « Non, non, ça ne va pas, je veux voir le cul de Bardot ». C’est alors que Godard, furieux d’avoir reçu cette remarque, tourna la magnifique scène post générique de début qui est maintenant devenu culte, pas seulement parce que Bardot cette fois-ci était nue, mais parce que les dialogues et le long travelling sur le côté du lit étaient d’une minutie et d’une beauté assez dingue surtout quand on pense que celle-ci fut tournée en quelques jours quand la première version du film était fini.
Pour conclure je vous invite à laisser une chance à ce film, même si vous n’aimez pas Godard ou que vous soyez cinéphile et que vous n’avez jamais vu un film de ce réalisateur, ou même si le film ne vous tente pas aux premiers abords, regardez-le, car il s’agit d’un des meilleurs films Français de tous les temps et même si il date de 1963 il reste visuellement, scénaristiquement et musicalement intéressant. Laissez-lui sa chance, je suis sûr que vous en ressortirez surpris.
Axel