Critique de « Cruella » par E-Stark
« Je suis femme, entendez-moi rugir ! »
Emma Stone – « Cruella » de Craig Gillespie (2021)
Parmi la pléthore des films lives proposés par Disney depuis quelques années, les créations originales se font rare alors que les remakes des classiques d’animation sont (trop ?) nombreux. Cruella fait un peu exception à la règle, puisque le remake live des 101 Dalmatiens il est sorti en 1996, réalisé par Stephen Herek avec l’inoubliable Glenn Close dans le rôle de la méchante. Dire qu’Emma Stone avait du pain sur la planche est une euphémisme.
Faisant le choix de donner un background à l’une des plus grandes méchantes de l’univers Disney, le film de Craig Gillespie n’excuse pourtant pas quelques faux pas, telle cette bêtise de présenter une Cruella enfant, nommée Ella, avec des cheveux noirs et blancs. La bêtise n’étant pas de présenter le personnage en tant qu’enfant, mais plutôt ce détails capillaire qui aurait eu plus de sens si il avait relevé plus tard dans l’intrigue, d’un choix du personnage de se teindre les cheveux afin de correspondre à l’image qu’elle se construit. Toutefois si on passe au-dessus de cette bourde, bien que forcément lancée comme ça dès les premières minutes l’inquiétude peut monter, on se retrouve pourtant avec un début d’histoire finalement pas si mal et même cohérent avec ce que l’on sait déjà du personnage.
Le film par la suite va se révéler tantôt rafraîchissant et divertissant, tantôt un peu bête malgré sa volonté de bien faire et de raconter quelque chose. Raconter quelque chose oui, c’est à souligner car finalement assez rare. Ainsi Emma Stone se révèle progressivement être une Cruella charismatique, qui rend à la fois hommage à la prestation géniale de Glenn Close tout en amenant sa propre touche, ce qui est évidemment fort appréciable. La star de La La Land se donne corps et âme, maquillée à outrance, souvent dôle et parfois très sombre. Cette Cruella version 2021 n’est pas une sainte et c’est tant mieux. Face à elle se tient avec prestance et conviction Emma Thompson, qui semble vraiment s’amuser avec ce personnage outrancier et détestable. Son plaisir de jeu est communicatif. Pour ce qui est du reste du casting, tout le monde s’en sort finalement plutôt bien, on ne note pas vraiment de faux pas ou d’interprétation foireuse.
En revanche côté réalisation, si cette dernière fait le job la plupart du temps, jonglant habilement avec la comédie visuelle et une mise en scène efficace à défaut d’être très inspirée, il faut souligner quelques points qui peinent à faire mouche. Notamment les animaux en images de synthèse. Certes ne pas employer de véritables chiens est compréhensible aujourd’hui, mais les incrustations des personnages canins font parfois un peu mal à la rétine, elles manquent de finesse. D’autant plus que le film remet en lumière un genre qui semblait éteint, celui du film où les chiens font des actions quasi humaines. Il y a des faux pas de ce côté-ci, même si bien entendu Cruella reste avant tout un film familial qui ravira sans nul doute les petits et les grands pas trop exigeants, je me considère d’ailleurs comme quelqu’un de moins exigeant avec le temps.
Néanmoins, comme c’était prévisible, Disney peine à faire de son personnage une vraie méchante. Ses intentions ne sont pas louables pour autant, mais on sent bien qu’il est difficile de lâcher la bride et qu’il faut constamment trouver des excuses aux motivations machiavéliques de l’héroïne, parce que s’en est une désormais. Le film demeure très raisonnable et ne prend pas beaucoup de risque, on évoque par exemple jamais l’emploi de la fourrure dans l’univers de la mode, sujet sans doute trop polémique (et à raison d’ailleurs), mais qui fait pourtant partie de l’ADN du personnage et qui aurait pu servir à nous la rendre moins sympathique. Parce que c’est bien ça le noeud du problème : Cruella est ici un peu trop sympathique et ce n’est pas vraiment ce que l’on recherche dans l’origin story d’une méchante emblématique.
En conclusion Cruella est un film assez prévisible mais néanmoins efficace. Si on y va en ayant l’espoir que Disney prendra des risques, alors c’est peine perdue. Mais si en revanche on espère juste voir le personnage s’étoffer un peu plus tout en sachant que Disney ne se mouillera pas trop, alors pourquoi pas.